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coup moins dans l’enseignement des dogmes que dans une action directe sur les mœurs par le travail et par des écoles véritablement adaptées aux besoins des indigènes, comme celle des Booker Washington. R. Balmforth indique ce qui a été fait et ce qui est à faire. Des chiffres intéressants sont apportés sur le développement des diverses sectes chrétiennes dans la colonie du Cap. — La question des Trusts rend d’un intérêt tout actuel l’article de John A. Ryan sur l’immoralité du stock-wattering (le « mouillage des capitaux », la multiplication factice des capitaux d’une entreprise par des émissions exagérées). L’auteur étudie en même temps les répercussions économiques de ces procédés de surcapitalisation et essaye de définir les bases d’une capitalisation normale. — Chester Holcombe étudie les morales d’Orient comparées avec les systèmes occidentaux ou plutôt fait ressortir les similitudes entre les morales de Laotz et de Confucius et la morale chrétienne. — L’article de M. Boutroux sur la Psychologie du Mysticisme, paru dans la Revue bleue du 15 mars 1902 est traduit par miss Cruve. — Chas. W. Super donne une série d’observations faites par lui sur quelques types individuels étudiés au point de vue des motifs de conduite. — Ira W. Howerth ; montre la nécessité de définir l’idéal social aussi scientifiquement que possible et comme la plus haute manifestation de la société actuelle. Trois éléments essentiels constituent cet idéal : 1° une intelligence sociale, c’est-à-dire une véritable conscience publique, « des individus intelligents ne nous garantissent pas nécessairement une société intelligente » ; 2° une économie sociale, se donnant pour tâche essentielle, par le moyen d’une démocratie véritable, de réduire le gâchage (waste) en hommes, en intelligences, en produits, et de satisfaire les besoins constants de la société par un mécanisme sans frottements ; 3° une coopération volontaire et consciente, soutenue par un idéal capable d’exciter l’enthousiasme. Charles Theodore Burnett croit avoir trouvé une épreuve fondamentale pour le déterminisme qui permettrait de le reléguer parmi « les problèmes morts ». Un déterminisme est, selon lui incapable de persuader, et, s’il réfléchit, de se persuader lui-même de la vérité, de sa thèse. Si l’on applique le déterminisme même au raisonnement du philosophe sur le déterministe, les arguments du déterministe apparaissent capables de contraindre, non de persuader. Mais une pensée contrainte n’est plus une pensée, nous méprisons l’homme qui pense malgré lui, il n’est plus juge de la valeur de sa pensée, — donc plus juge de la valeur du déterminisme. Ainsi le déterministe « s’est fait sauter lui-même avec son propre pétard ». D’aucuns trouveront cette fois le pétard mouillé. C’est une conception libertiste de la pensée que Ch.-T. Burnett applique au raisonnement du déterministe pour le disqualifier, et non, comme il l’avait promis, le déterminisme même. Il y a encore de beaux jours pour ce problème mort. À lire un important compte rendu du livre de James, sur le Pragmatisme et un autre, touchant les Lectures ou Humanisme de Mackenzie.

Avril 1908. – J.-S. Mackenzie publie son adresse présidentielle à la « Moral Instruction League » de Londres sur le problème de l’instruction morale. Il se demande principalement si les principes de la moralité sont suffisamment définis pour être enseignés à tous les enfants sous une forme généralement acceptable, ou si nous sommes tenus, par la dispersion des croyances, de nous contenter des, atmosphères morales variées ou même opposées, dont des communautés diverses s’efforceraient d’entourer l’enfant, en faisant appel à un dressage sentimental plutôt qu’à une morale réfléchie ? Et il applique cette difficulté générale à ce problème particulier : est-ce l’esprit social ou l’esprit individualiste qui doit pénétrer l’enseignement moral ? Sans nier la difficulté, l’auteur s’efforce surtout de montrer qu’il y a là plutôt des difficultés que des obstacles infranchissables et que l’effort même à faire pour les surmonter est éducatif. – Marel Atkinson montre que la lutte pour l’existence n’est que la forme primitive, animale, tout intensive de la volonté de vivre ; mais que le vouloir-vivre lui-même, développe le souci d’autrui, l’abnégation de soi, seul moyen de réaliser la maximation de la vie. Ainsi sont conciliés Huxley et Tolstoï, et Nietzsche la science et la religion. — Dans un fort intéressant article George H. Mead fait reposer curieusement sur le système évolutionniste la base philosophique de l’Éthique la plus concrète et la plus expérimentale. On présente trop souvent l’évolution comme si l’individu évoluait dans un milieu immobile. Mais l’individu et le milieu évoluent l’un par l’autre. L’organisme détermine son propre milieu comme celui-ci l’organisme. Cette vérité éclate principalement dans les questions morales, où elle fut le plus méconnue. On présente la moralité comme la conformité à une règle, ou à une volonté sociale extérieure à l’individu et incon-