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lité dans ses rapports avec la conduite. Contre le déterminisme il s’efforce de ruiner le principe que tout ce qui est réel est nécessaire et de montrer que le présent ne peut jamais contenir toutes les conditions du futur, sans quoi le futur serait déjà. Le déterminisme repose sur une construction idéale faite sur les bases du présent. Le caractère, qui déterminerait l’action, n’est lui-même qu’une généralisation abstraite inférée de l’action même, et l’action d’ailleurs forme elle-même le caractère. Le déterminisme perd de vue l’aspect dynamique du présent, nécessaire pour expliquer le mouvement de la vie. Contrairement à l’expérience, il fait de la volition une pure ignorance, et rejette la notion du possible, parce qu’il ne conçoit que la possibilité théorique, laquelle consiste en effet dans l’ignorance d’une partie des conditions d’une réalité complexe. Mais l’expérience du vouloir nous révèle une possibilité pratique qui consiste essentiellement dans la réalisation même de l’indéterminé, du futur. — Walter L. Sheldon se plaint de ce qu’il y a d’insuffisant et de suranné dans les modernes classifications des devoirs et des vertus. C’est là un problème que les moralistes, trop préoccupés des questions d’origines et de fins suprêmes, ont dédaigné. Ils se contentent des vieilles divisions, bonnes tout au plus pour le pédagogue et l’éducateur, en devoirs de justice et de charité, devoirs envers soi-même et envers autrui. Il n’y a rien là de philosophique, et les traités de morale retardent singulièrement sur les traités de psychologie.

W.-L. Sheldon croit qu’il y a là une question importante qui devrait être mise, pour une discussion sérieuse entre spécialistes, à l’ordre du jour d’un congrès annuel de morale. — Halen Wodehouse tente un essai d’établissement de l’idéalisme destiné à ses yeux moins à lever toutes les difficultés philosophiques de la question qu’à servir de bonne méthode progressive à un étudiant qui voudrait s’approcher du point de vue idéaliste et de voir les difficultés se révéler graduellement. Après d’intéressantes réflexions sur l’analogie entre le développement de l’activité et le développement de l’intelligence. H. Wodehouse propose à la formule de T.-H. Green une légère retouche : on ne saurait affirmer qu’il ne peut y avoir d’écart entre le bien de l’individu et le bien de l’ensemble si l’on appelle bien la satisfaction de nos désirs ; il faut dire que le bien, c’est ce qui satisfait nos besoins réels, tels que parvient à les connaître un individu dont la conscience s’est éclairée : il ne peut plus alors vouloir un bien qui serait en conflit avec le bien de l’ensemble auquel il appartient : H. Wodehouse reconnaît que la connaissance complète de nos besoins réels ne peut être atteinte que par la métaphysique, qui nous rattache à Dieu. — Franck N. Freeman traite de l’éthique du jeu, dont l’immoralité consiste essentiellement dans une atteinte à la socialité : le gain d’un joueur n’est possible que par la perte de l’autre, la connection entre le prix et le risque est arbitraire, la propriété y dérive de la chance. Cette triple atteinte à la solidarité s’aggrave d’une grande désorganisation de l’esprit et du caractère chez le joueur, avec toutes ses conséquences sociales. L’auteur s’applique à distinguer du jeu le principe des assurances, lesquelles renforcent au contraire la solidarité, et, tout en montrant la fonction de la spéculation, marque ses rapports avec le jeu et son immoralité presque fatale. — J.-J. Findlay, répondant à l’article de James Oliphant de janvier dernier, traite des droits des parents à l’école. Il distingue d’une part l’organisation extérieure de l’établissement, ses rapports avec le milieu et estime qu’en dehors du contrôle des pouvoirs central et local, ils devraient, dans un pays démocratique, être réglés par un conseil de directeurs nommé par les parents eux-mêmes ; et d’autre part l’aménagement interne de l’école, qui doit être entièrement entre les mains des maîtres, mais avec un certain contrôle des parents, dont quelques-uns seraient élus pour venir, en des soirées spéciales, comme cela se voit dans certaines écoles allemandes, échanger avec les maîtres leurs vues sur l’enseignement et l’éducation. — Quelques points de controverse morale sont soulevés enfin par A.-C, Pigon. D’abord la question de méthode, la déduction étant impossible, l’intuition, la perception du bien s’impose ; puis la question de savoir si un seul élément fait d’un état d’âme un bien, ou si le bien n’est pas plutôt « fonction de plusieurs variables » (bonne volonté, plaisir, amour) : enfin la question de savoir s’il y a vraiment contradiction à affirmer que les biens des différents peuples et des différents individus peuvent entrer en lutte, et s’il est possible d’en conclure à la nécessité d’une autre vie. — À lire : un intéressant compte-rendu de Glück und Sittlichkeit d’Ermann Schwarz, et un autre du Dr  Bosanquet, sur les Mémoires de Thomas Hill Green.

Janvier 1908. — Le développement moral des races de l’Afrique du Sud doit être cherché, selon Ramsden Balmforth. Beau-