Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 6, 1908.djvu/19

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’interroger sur son développement, ni comprendre son développement sans avoir une notion de la nature qui s’y manifeste. L’évolutionnisme purement mécaniste de Spencer n’est donc pas plus tenable que l’absolutisme de Bradley et de Royce. — Compte rendu de la 5e assemblée annuelle de l’Association américaine de philosophie (27-29 déc. 1905).

N° 3. — La Philosophie en France, par André Lalande. M. Lalande continue l’excellent exposé annuel du mouvement philosophique français qu’il a inauguré l’an dernier. Il étudie d’abord le pragmatisme français, en montre les origines néo-critiques et les affinités avec la philosophie religieuse, et insiste sur la réaction intellectualiste dont MM. Brunschvicg, Poincaré, Milhaud ont donné le signal, encore que ces derniers, à certains égards, se rapprochent du pragmatisme. Vient ensuite une étude assez détaillée du mouvement pédagogique, social et moral auquel se rattachent principalement les noms de MM. Séailles, Bouglé, Durkheim, Belot, et l’Union pour la Vérité. De courtes pages sont consacrées aux travaux de psychologie et d’esthétique. — La signification des principes méthodologiques, par Ernest Albec. Si l’on examine les rapports du kantisme et du rationalisme, on aboutit à cette conclusion que les principes « régulateurs » n’ont de valeur que s’ils correspondent à quelques principes « constitutifs » de l’expérience ; or ces derniers sont inaccessibles. Toutefois, les principes méthodologiques conservent une valeur en fonction de l’expérience. La connaissance et l’expérience s’organisent graduellement au nom de l’hypothèse aussi indémontrable qu’inévitable de l’unité et de la rationalité dernières du monde. — La morale de Schiller dans ses relations avec celle de Kant, par Emil C. Wilm. Schiller, avant d’avoir subi l’influence de Kant, a cherché à concilier le spiritualisme et le naturalisme, notamment par des considérations d’esthétique. Une fois touché par la philosophie critique, il abandonne le naturalisme, il admet l’impératif catégorique, mais il reste trop soucieux d’esthétique pour admettre pleinement la rigorisme kantien contre lequel il maintient les droits du sentiment.

Le développement de la conscience subjective d’après Schleiermacher, par Edmund H. Hollands. Hegel n’avait guère considéré dans le développement de la pensée que l’idée, c’est-à-dire l’élément objectif. Schleiermacher a eu le mérite de mettre en relief le rôle de la conscience subjective dans la formation et l’unification de l’expérience. Mais par là même les deux philosophes, bien loin de s’opposer l’un à l’autre, comme on l’admet communément et comme eux-mêmes l’ont cru, se complètent et se corrigent mutuellement.

N° 4. — Contribution psychologique à la notion de justice, par James H. Tulfis. La psychologie moderne, en renvoyant à l’ancienne conception, abstraite, métaphysique, de l’individu, en signalant ce qu’il y a en lui de complexe, de fait d’habitudes, de social, contribue fortement à éclairer la notion du juste. La justice pénale, la distribution des biens matériels et spirituels, l’éducation prennent, envisagées sous cet angle, un aspect tout nouveau. — La place de la psychologie dans la classification des sciences, par A.-E. Taylor. Cet article est presque exactement la contre-partie de l’article de Fr. Thilly résumé plus haut : la psychologie est une science naturelle, parce qu’elle a pour objet des « données de fait », ses données sont tout aussi objectives que celles de n’importe quelle science de la nature ; et si sa méthode est encore principalement subjective et peu près fermée à la mensuration, ce peut n’être qu’un stade provisoire de son développement. Si donc elle a une importance toute spéciale pour le philosophe, qu’elle exerce aux méthodes empiriques, elle n’en est pas moins distincte des sciences philosophiques qui interprètent les faits comme des valeurs morales ou esthétiques en les comparant à quelque type transcendantal et noumènal. – L’idéalisme de Malebranche, par Grace Neal Dolson. L’auteur revendique énergiquement l’originalité singulière du système de Malebranche. Contrairement à l’interprétation de H. Joly, c’est bien un idéalisme, car la matière y est plus qu’une construction de l’esprit, du moins est-elle dépourvue de toute efficacité et de tout attribut. Si l’on voulait chercher un analogue à ce système, ce n’est pas chez Berkeley, c’est chez les idéalistes post-kantiens qu’il faudrait le chercher. — Quelques difficultés relatives à l’épistémologie du Pragmatisme et de l’empirisme radical, par John B. Russell. Dans cette courte note, le célèbre logicien ramène ces difficultés à quatre chefs : confusion de fait entre les notions maîtresses et la méthode de la psychologie, science du contenu, et celles de la logique, science de la forme ; – restriction excessive du rôle de la pensée, dépouillée de toute notion qui lui soit propre ; – impossibilité de définir le vrai par ses conséquences ; – impossibilité de