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sa fondation, elle a eu des fortunes diverses, jusqu’en octobre 1905, date à laquelle M. l’abbé Laberthonnière en a pris la direction. C’est grâce à lui, tant par son active collaboration personnelle que par le concours des diverses compétences dont il a su s’entourer, que les Annales sont devenues ce qu’elles sont aujourd’hui. L’esprit en semble inspiré par une double préoccupation : d’une part, souci constant de l’orthodoxie et ferme volonté de se maintenir dans la tradition authentique et profonde de l’Église ; d’autre part, large et sincère sympathie pour tout travail de bonne foi, pour toute recherche laborieuse et désintéressée. C’est ce qu’exprime bien le texte de saint Augustin que porte la couverture des Annales : « cherchons donc comme cherchent ceux qui doivent trouver, et trouvons comme trouvent ceux qui doivent chercher encore ; car il est dit : « l’homme qui est arrivé au terme ne fait que commencer ». — Parmi les travaux les plus remarquables de l’année écoulée, citons : Laberthonnière, Dogme et Théologie — suite d’articles pénétrants et singulièrement riches d’idées dans lesquels l’auteur, à propos du Dogme et Critique de M. Le Roy, critique de récents articles du P. Lebreton — lesquels prétendaient exposer les théories traditionnelles du dogme — et élabore toute une théorie de la connaissance religieuse. — Duhem, Essai sur la notion de théorie physique de Platon à Galilée. — Ch. Huit, Le Platonisme en France au XVIIIe siècle.

La Revue de Philosophie est d’origine relativement récente. Dirigée par M. Peillaube, professeur de psychologie à l’Institut catholique, elle a été fondée en 1900 et parait le 1er de chaque mois. Il est assez difficile de préciser son orientation : elle publie des articles très divers, et ceux qui traitent de problèmes religieux sont en minorité (on en compte en tout trois dans le semestre janvier-juin 1908 ; encore sont-ils purement historiques). Peut-être convient-il de s’en réjouir, car en général les rares études religieuses publiées par la Revue de Philosophie ne lui font guère honneur. En disant cela nous avons surtout en vue deux articles sur les vieilles preuves de l’existence de Dieu (juillet-août 1908) dans lesquels M. l’abbé Gayraud prend à partie les études de M. Le Roy : Comment se pose le problème de Dieu (Revue de Métaphysique, mars-juillet 1907). Voici un spécimen de la méthode de discussion de M. Gayraud : « Parce que leur philosophie » (celle de ceux qui ne sont pas scolastiques) « procède à l’inverse du sens commun — ce qui sent bien aussi l’anthropomorphisme, mais celui des acrobates qui vont sur leurs mains et à reculons — ils ont besoin de railler ceux qui s’obstinent à aller droit sur leurs pieds à la manière de tout le monde. Des culs-de-jatte accusant les bons marcheurs d’anthropomorphisme, voilà le jeu d’esprit de ces philosophes ! » Ces pénibles facéties, qui sentent le bas journalisme ne semblent guère à leur place dans une revue qui se pique de quelque tenue scientifique. Cet article et ceux qui lui ressemblent mis à part, nous avons plaisir à citer les études de M. Duhem : Le mouvement absolu et le mouvement relatif, et une intéressante enquête sur l’idée de démocratie.

La Revue pratique d’Apologétique (fondée en 1905, paraissant le 1er et le 15 de chaque mois) est surtout une revue de vulgarisation, et la valeur des études qu’elle publie est très inégale. On en compte cependant quelques-unes d’une tenue très satisfaisante. Ainsi les discussions par MM. Touzard (15 mars 1908) et Mangenat (1er avril) des articles de M. Guignebert : le Modernisme et la tradition catholique en France — semblent d’excellents exemples de critique loyale et scientifique.

Restent en dernier lieu trois revues qui maintiennent intégralement la tradition scolastique. Ce sont, par ordre d’ancienneté : la Revue Thomiste (xvie année, — bimensuelle) ; — la Revue Néo-scolastique (xve année, — trimestrielle) ; — la Revue des sciences philosophiques et théologiques (n° année, – trimestrielle). Sans méconnaître l’intérêt historique que présente le fait d’esprits distingués pensant tout en fonction de saint Thomas d’Aquin, nous sentons malgré nous de telles mentalités étrangères à la nôtre, et nous ne pouvons nous défendre d’éprouver un sentiment d’inactuel en voyant, par exemple, M. Bergson convaincu des « pires erreurs » pour s’être séparé de saint Thomas (Revue Thomiste, mai-juin 1908, p. 163). Plutôt que d’insister sur ce point, nous préférons louer l’ampleur d’information de ces revues. Par exemple, la Revue des sciences philosophiques et théologiques rend compte des publications nouvelles et de tous les événements (cours, conférences, nominations, retraites, décès, etc.) qui intéressent la théologie ou la philosophie, dans le monde entier, et donne dans chacun de ses numéros la recension détaillée d’au moins cinquante revues et périodiques. Ce sont là de précieux secours pour tous les travailleurs.

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