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mutilée. Tantôt ils se contentent de choisir des exemples dans l’histoire du peuple hébreu et dans celle des peuples méditerranéens. Tantôt ils se déclarent effrayés par la complexité des faits historiques, ils aiment mieux fermer les yeux que d’en analyser le détail, et c’est précisément parce qu’ils refusent de débrouiller ce chaos qu’ils conservent le droit d’y voir un mystère sacré. Leur méthode n’est pas exclusivement déductive, soit ; mais n’est-ce pas abuser des mots que de lui donner le nom qu’on réserve aux méthodes de la science expérimentale ? Quelle « induction » d’ailleurs, pourrait leur donner ce qu’ils cherchent : la preuve de l’intervention divine dans le gouvernement des sociétés ?

Quelle induction pourrait leur révéler l’antipathie qu’à leur avis Dieu doit éprouver pour la démocratie ? Mais sont-ils tous de cet avis ? M. Falchi qui, à plusieurs reprises, signale très judicieusement les sophismes de l’école théocratique, nous paraît se tromper quand il lui refuse le droit d’être démocrate. Rien ne prouve mieux, nous semble-t-il, l’insuffisance de cette doctrine que son impuissance à choisir entre les divers régimes politiques : monarchiste avec Bossuet, avec de Bonald et de Maistre, elle peut être républicaine avec Ballanche ou Bordas-Demoulin (oublié par M. Falchi). Pourquoi Dieu, en effet, ne remettrait-il pas le pouvoir aux peuples au lieu de le remettre aux rois ? S’il y a, comme le pensaient de Maistre et de Bonald, des familles qui, par nature, sont « royales », c’est entre leurs mains que Dieu place le sceptre ; si les hommes sont égaux, c’est que Dieu veut la souveraineté du peuple. La doctrine théocratique est logiquement inconsistante, parce que, laissée à elle-même, elle autorise des conclusions contradictoires ; ses partisans en tirent ce qu’ils veulent, par l’intermédiaire de certaines propositions que leur dictent soit leurs observations, soit leurs préjugés : les hommes sont inégaux, disent les uns ; les hommes sont égaux, disent les autres. Ces propositions sont les véritables prémisses de leurs raisonnements, et l’on pourrait enlever de leurs ouvrages les principes proprement théocratiques sans modifier leurs conclusions. Le principe théocratique, présenté comme le fondement de l’édifice, n’est jamais qu’une pièce arbitrairement surajoutée. M. Falchi s’en serait aperçu s’il n’avait pas écarté de son horizon les démocrates chrétiens.

L’infinito, Saggio di psicologia della Matematica, par E. Vecchietti, 1 vol. de vii-181 p., Rome, Albrighi, 1908. — L’école des mathématiciens logiciens s’est efforcée, dans un but de rigueur logique, de déterminer avec précision les postulats fondamentaux de la mathématique et d’étudier tés formes des raisonnements qu’elle emploie. M. Vecchietti reconnaît l’importance de ces études, mais il constate que le logicien se place à un point de vue purement formel, il vide les notions fondamentales de leur contenu psychologique (exemple : définition de la grandeur selon Grassmann). Or, le but de l’auteur est précisément de retrouver et de déterminer ce contenu psychologique. « Pour connaître la forme du lit d’un fleuve, dit-il, il faut en détourner l’eau… Mais où l’on ne peut plus suivre l’école logique, c’est quand elle refuse de jamais reconduire l’eau dans le lit du fleuve. » Et il ajoute : « La mathématique n’existerait pas si les êtres dont elle traite n’étaient pas des concepts vivants, pleins de contenu intuitif, répondant à des états d’âme réels, à des idées qui quoique abstraites sont nées du moins directement de la vie et de l’observation. » L’auteur délimite, d’ailleurs, son sujet avec précision, il n’étudie que la notion d’infini considérée comme distincte du fini et de l’indéfini. Nous ne pouvons analyser en détail cet ouvrage documente où l’auteur fait preuve de connaissances mathématiques étendues ; indiquons seulement que les principaux chapitres traitent : du continu, des bases du calcul infinitésimal, des nombres irrationnels (doctrines de Weierstrass, Méray, Dedekind, J. Tannery), de la notion de limite, des nombres transfinis de Cantor.


REVUES ET PÉRIODIQUES

Les Revues catholiques. — Une des conséquences du grand mouvement de pensée catholique caractérisant ces dernières années (mouvement qui a déjà fait l’objet de plusieurs études dans la présente revue[1]) a été d’une part la fondation de nouvelles revues, d’autre part un renouveau d’activité dans celles qui existaient déjà. Nous allons examiner brièvement l’inspiration générale et les caractéristiques des plus notables de ces publications.

Au premier rang se placent les Annales de Philosophie chrétienne (paraissant le 15 de chaque mois). Cette revue compte déjà, quatre-vingts ans d’existence. Depuis

  1. G. Sorel : La Crise de la pensée catholique (septembre 1902) ; — J. Wilbois : La Pensée catholique en France au commencement du XIXe siècle (mai-juillet 1907).