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première partie (improprement intitulée : erkenntnisstheoretische Grundlage), que les notions fondamentales de la physique cartésienne sont celles d’étendue indéfinie et indéfiniment divisible, de figure et de mouvement. Mais son exposé est, en général, très exact, et il a fait un effort méritoire pour retracer l’histoire de la pensée de Descartes. Il note qu’avant 1629 Descartes n’avait pas encore pris parti dans la question du vide, qu’il ne distinguait pas encore trois éléments, mais deux : « la matière » et « la matière subtile ». L’étude de la lumière, « capitale dans l’histoire du système de Descartes », l’oblige à recourir au troisième qu’il appelle d’abord « matière incomparablement plus subtile ». Mais, en 1633, deux des trois éléments sont irréductibles l’un à l’autre ; en 1639, Descartes ne reconnaît plus qu’un élément primordial. Il en résulte que le Monde de 1633 expliquait l’univers en le tirant d’un « chaos », tandis que les Principes font sortir toute la variété du monde sensible d’un cosmos homogène. De même, en physiologie, les idées de Descartes évoluent : il est, jusqu’aux environs de 1630, disciple de Fabricius, il devient ensuite disciple d’Harvey. Un appendice est destiné à dater, d’après l’examen minutieux des textes, les écrits posthumes de Descartes ; d’après l’auteur, les « Premières Pensées », publiées par Foucher de Careil, seraient de 1629-1630 ; le « Monde ou Traité de la Lumière », publié en 1667 par Clerselier — y compris « l’Homme » (qui, dans le manuscrit, commence au chapitre 18) — serait bien le traité de 1633 dont la condamnation de Galilée a empêché la publication. Enfin, le fragment intitulé « Recherche de la vérité » serait de 1629 et appartiendrait à une première esquisse du « Monde ».

Fondements de la métaphysique des mœurs, par Kant, traduction nouvelle avec introduction et notes, par Victor Delbos. 1 vol. in-16 de 211 p., Paris. Delagrave. — Nul n’était mieux préparé que l’auteur de La Philosophie pratique de Kant à doter l’enseignement d’une édition en français des Fondements, inscrits depuis quelques années au programme des classes de philosophie, et dont il n’a existé longtemps aucune édition classique. M. Delbos ne s’est pas contenté de rééditer l’une des traductions Tissot ou Barni. Prenant pour base le texte adopté par la grande édition de l’Académie des Sciences de Berlin, il en a fait une version extrêmement exacte et aussi claire qu’il est possible de le souhaiter. Il y a joint une biographie de Kant, des notes très abondantes, et une introduction sur la morale de Kant, où nous retrouvons les idées directrices de son grand ouvrage. Après avoir professé la morale leibnitienne de la perfection, Kant s’est rendu compte graduellement de l’impuissance où est la raison d’engendrer par elle-même des principes définis pour la conduite de la vie, de déterminer les objets de l’action, de la nécessité de chercher hors du savoir, dans le sentiment intérieur, la source première, de l’activité morale. Puis, l’élaboration définitive de la Critique l’amène à distinguer radicalement un monde sensible, objet de connaissance et étranger à la moralité, d’un monde intelligible, à vrai dire inconnaissable, mais transcendant au déterminisme, et, par suite, condition première des libres déterminations de la vie morale. Toute action humaine comporte ainsi une double interprétation qui l’explique intégralement : déterministe, au nom du caractère empirique de l’individu ; libre, au nom du caractère intelligible. Enfin l’étude de l’histoire révèle à son tour que le progrès humain comporte aussi une double interprétation mécanique, dans la mesure où chaque fait s’explique par ses antécédents, sans plan général préconçu, morale en ce sens que la vie sociale s’oriente librement vers une organisation juridique garantissant la paix et la justice. Tels sont les éléments qui aboutissent, dans les Fondements, à la conception kantienne définitive de l’impératif catégorique et de l’autonomie morale. Une longue analyse des Fondements expose la théorie, et quelques pages sont consacrées aux développements ultérieurs de la morale kantienne : théorie du souverain bien dans la Raison pratique, relations du beau et du bien dans la Critique du Jugement, signification morale des croyances religieuses, théorie du Mal radical et de la chute dans la Religion, applications pratiques dans la Métaphysique des Mœurs.

En somme, excellent opuscule qui, pour être accessible aux bons élèves des classes de philosophie, n’en sera pas moins utile aux maîtres et aux étudiants des facultés.

Kant, Schiller, Goethe, Gesammelte Aufsatze von Karl Vorländer. 1 vol. in-8 de xii-294 p., Verlag des Durrschen Buchhandhung, Leipzig, 1907. — C’est à Körner et à Reinhold que Schiller, de 1787 à 1790, doit son initiation à la philosophie de Kant. Sa nature de poète se montre d’abord réfractaire à cette philosophie austère ; cependant vers 1790 il commence à se familiariser avec le kantisme. Mais sa conversion véritable date seulement