physiques d’un dogmatisme vraiment effrayant.
Si du point de vue scientifique nous passons au point de vue philosophique, ce n’est pas sans peine que nous arrivons à dégager une conception générale lucide et cohérente. Il semble bien que sous le nom de monisme l’auteur exalte une sorte de matérialisme naïf, comparable à celui de Moleschott ou de Büchner. Seulement ceux-ci avaient l’excuse d’écrire vers 1850. Il serait peu charitable d’insister. Nous nous en voudrions cependant de ne pas mettre sous les yeux des lecteurs de cette revue les lignes suivantes, intitulées Critique de Kant : « L’étonnante glorification de Kant en cette année 1904 sembla étrange à nombre de naturalistes, qui ne voient dans l’idéalisme transcendantal de Kant qu’un obstacle à la philosophie naturelle maniste. Elle s’explique cependant fort bien, et d’abord par les contradictions mêmes de Kant… Ce sont ces contradictions qui font le succès de la philosophie de Kant dans les cercles les plus larges. Le grand public qui désire posséder une opinion de l’Univers lit rarement les œuvres mêmes de Kant, au style contourné, et se contente d’extraits ou de résumés dus à des historiens de la philosophie qui affirment sans rire que le Vieux de Kœnigsberg a résolu la quadrature du cercle, c’est-à-dire la conciliation de la science avec les dogmes métaphysiques. Les autorités ont intérêt à propager cette idée, car elles redoutent avec raison la pensée libre » (p. 355-356). Ces réflexions sont résumées (p. 362) en un tableau à double entrée où « Kant n°1, l’Athée. Avec raison pure », est opposé à « Kant n°2, le Déiste. Avec déraison pure. »
C’est chose affligeante de songer au succès qui accueille de pareilles productions.
Monistische Weltanschauung, par Julius von Olivier. 1 vol. in-8o, de viii-157 p., Leipzig, Naumann, 1906. — Cet ouvrage est le testament philosophique d’un savant : c’est, sous la forme d’une exposition simple et débarrassée de tout « jargon » philosophique, un essai de synthèse totale d’un caractère naturiste, qui s’inspire des données actuelles des sciences positives. Nous connaissons le monde par les sens, et notre connaissance repose sur quelques catégories fondamentales, au delà desquelles nous ne saurions remonter : quantité, temps, étendue et différence de direction (représentations fondamentales dans lesquelles se résout l’espace), masse, force. Ces catégories ne sont pas des réalités, mais des abstraits, qui n’existent que dans notre représentation et dont chacune ne reçoit un fondement réel que par sa liaison avec les autres. Ceci brièvement indiqué, l’auteur passé à une esquisse d’ensemble de notre connaissance de l’univers : mécanique rationnelle, mécanique céleste, monde de la pesanteur et éther. Il y a là plus qu’un simple résumé des sciences considérées successivement, à savoir un effort d’épuration et de coordination des principales notions, — de systématisation logique de la science de l’univers, qui aboutit à un tableau des représentations partielles de premier ordre (force, — étendue et direction, fondements de l’espace, — quantité, qualité, — variation, la variation de force étant le fondement du temps) et de second ordre (combinaisons de représentations de premier ordre, travail, vitesse, masse, etc). Après l’exposé du système du monde, une brève étude des facultés humaines : mémoire, pensée, sentiment, volonté. Toute une psychologie et une logique en quelques pages. Relevons dans cette partie cet énoncé du principe de causalité : « D’autant plus semblables sont différentes combinaison de « Kraftwegstrecken » (notion qui remplace chez lui les concepts d’énergie potentielle et de travail d’une force) et de quantités de mouvement (entendez par là : énergie cinétique et force vive), d’autant plus semblables aussi sont vraisemblablement les variations qui en découlent. » Le livre s’achève par des considérations morales et l’espoir que l’humanité, maîtresse de sa destinée, travaillera, par la prévoyance et l’amour du prochain, à l’avènement de temps meilleurs.
Ceux qui croient à la possibilité d’une systématisation philosophique dans l’état actuel de nos connaissances trouveront dans cet ouvrage, parfois un peu simpliste, un essai intéressant dans ce genre. Pour ceux qui ne pensent pas que les sciences positives permettent aujourd’hui une telle synthèse, c’est là un document psychologique estimable, puisqu’aussi bien nous avons avec cet ouvrage la philosophie d’un savant positiviste, de nos jours.
Die Weltevntstehungslehre des Descartes, par Karl Jungmann. 1 broch. in-8o de 51 p., Berne, Scheitlin, Spring et Cie, 1907. (Collection des Berner Studien zur Philosophie und ihrer Geschichte éditées par Ludwig ̃Stein.) — Bonne dissertation dont le titre n’indique pas complètement le sujet, puisqu’elle embrasse non seulement la Cosmogonie mais toute la physique de Descartes. L’auteur aurait pu se dispenser de rappeler, dans une