Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 5, 1914.djvu/14

Cette page a été validée par deux contributeurs.

tendance synthétique qui veut embrasser les plus larges sphères de la pensée pour aboutir à une conception qui, autant que possible, embrasserait la totalité des objets ; 3o une manière de s’exprimer colorée et pleine d’images qui résulte non seulement du sentiment esthétique inné, mais aussi de la volonté de mettre dans un équilibre tous les besoins de l’esprit et de parler non à la classe des savants, mais au grand public.

Struve envisage la philosophie comme une tendance critique de l’esprit humain vers une conception générale du monde. Dans cette définition nous trouvons réunis les deux principes fondamentaux de la philosophie : d’un côté la conception du monde, de l’autre le criticisme. C’est le point de vue qui domine la philosophie de Struve ; elle se divise en deux parties : la métaphysique et la logique comprise dans le sens d’une théorie de la connaissance.

La tendance synthétique de la philosophie de Struve, laquelle représente un « réalisme idéaliste » non seulement s’étend aux problèmes fondamentaux de la métaphysique, mais encore veut-elle embrasser tous les domaines de la pensée et de la création humaine. Le principe synthétique, la tendance de vouloir unir l’idéal avec la réalité se reflètent non seulement dans sa théorie de l’art, mais aussi dans sa théorie de la morale.

Selon notre auteur cet élément synthétique marque le trait d’union entre la philosophie de Struve et la philosophie polonaise précédente. On retrouve la tendance synthétique qui, selon Struve, forme le caractère essentiel de la philosophie polonaise, chez les premiers hégéliens polonais. Ainsi on peut considérer à ce point de vue Struve comme un continuateur de la pensée spéculative polonaise, bien qu’il n’ait pas eu conscience de sa solidarité avec ces penseurs.

L’auteur croit que deux facteurs, une influence considérable exercée par le hégélianisme et le caractère national de la pensée qui, pour avoir été un moment étouffé, n’en est pas moins resté conscient, créent cette tendance métaphysique à laquelle se rattache le caractère synthétique de la philosophie polonaise.

Le système de Struve a donc pour la philosophie polonaise contemporaine et future une importance capitale. Il a maintenu la tradition philosophique en Pologne. La philosophie de Struve forme le chaînon qui relie notre génération philosophique à l’époque de Wronski, Cieszkowski, Frentowski, Libelt, Kremer.

B. Bornstein : Kant et Bergson.

L’auteur donne d’abord un exposé des conceptions fondamentales de Kant et de Bergson sur le rapport de l’intuition et du concept. En comparant la conception de Kant avec celle de Bergson l’auteur trouve que les deux philosophes ont cela de commun qu’ils s’attachent avant tout à faire ressortir une double différence entre les éléments intuitifs et les éléments conceptuels en envisageant leur caractère d’individualité et de généralité et d’autre part en analysant leur caractère intuitif et discursif. La distinction des deux éléments aboutit chez les deux philosophes à la conception d’une désharmonie laquelle se reflète nettement dans l’existence des faits irrationnels, qui, malgré qu’ils soient donnés dans l’intuition immédiate, sont absolument incompréhensibles pour notre pensée. Ainsi la valeur objective de notre connaissance est mise en question.

Après une analyse critique très détaillée des conceptions de Kant et de Bergson l’auteur aboutit à la conclusion suivante.

Nous pouvons toujours saisir par le concept certains caractères individuels et ainsi individualiser le concept qui par ce fait cesse d’être général et de s’opposer aux intuitions. Le fait que nous ne pouvons pas épuiser par le concept tous les caractères d’une intuition donnée, ne prouve en aucune manière la relativité de la connaissance conceptuelle déjà acquise, mais seulement le caractère incomplet et inachevé de cette connaissance. D’ailleurs du point de vue intuitif-discursif les intuitions et les purs concepts sont vraiment distincts et c’est ici que Kant et Bergson ont tout à fait raison. Seulement l’auteur pense que Bergson commet une erreur en considérant la pure mobilité comme le caractère typique de l’intuition, et l’espace comme l’élément par excellence conceptuel. Notre pensée, malgré la différence qui sépare les deux domaines, celui de l’intuition et celui du concept, peut tout de même se rendre compte des faits avec une précision absolue. Ainsi la pensée pourra se saisir des faits au moyen de concepts, si seulement elle ne néglige pas la nature intuitive spécifique des faits. De cette différence entre les intuitions et les concepts il ne faut donc pas conclure à la réalité des faits irrationnels. Seulement le concept se distinguera du fait intuitif qui lui correspond par son caractère discursif. Ainsi se pose le nouveau problème de savoir si notre connaissance conceptuelle peut malgré cela être considérée comme adéquate. La différence des intuitions et des