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ques s’étaient déjà efforcés de constituer la logique en un formulaire, aussi complet et aussi simple que possible. Ils avaient travaillé dans ce but à classer exhaustivement toutes les formes verbales possibles de jugements et raisonnements, puis à les ramener à quelques types essentiels (théorie des équipollences, réduction des figures du syllogisme). Leur effort doit être prolongé dans les deux sens, si la théorie de la déduction veut embrasser réellement tout le domaine de la pensée concrète et acquérir par là l’efficacité pratique qui lui manque encore. Pour compléter l’arsenal des formes de jugement reçues par la scolastique, l’auteur ajoute les propositions d’action (Je vais à Lille) et de relation (Paris est plus grand que Versailles) ; il distingue quatre interprétations des propositions attributives (compréhension, extension, inhérence, connexion) ; il introduit enfin les propositions interrogatives et une nouvelle espèce de propositions particulières, l’O’, dans lesquelles « quelque » signifie « quelques-uns seulement » et non pas « quelques-uns au moins ». Les formes de raisonnement sont également complétées suivant un double principe de classification. D’une part, on distingue les raisonnements suivant l’ordre psychique (chronologique) et l’ordre logique (justificatif) des prémisses, lesquels ne coïncident pas nécessairement. D’autre part, on les distingue encore par la place relative des deux prémisses dans les raisonnements médiats. L’auteur arrive ainsi à douze espèces de raisonnements, distribuées en sept genres.

Il s’agit maintenant de simplifier et de réduire. Se fondant sur le fait que le jugement est essentiellement l’analyse d’une représentation totale, l’auteur montre que les quatre propositions attributives sont des formes d’analyses équivalentes, mais qu’utilitairement l’interprétation en connexion semble préférable. Du mème point de vue, il ramène la modalité à la. quantité, les particulières et universelles à des hypothétiques indéterminées et déterminées, les interrogatives aux particulières. Le processus de la négation lui apparaît aussi recouvrir un état subjectif, sans intérêt pour la logique, auquel il est avantageux de substituer l’affirmation qu’elle contient réellement. Entin les propositions d’action et de relation peuvent être, par l’examen de la signification primitive du verbe, réduites aux propositions attributives, lesquelles sont, en retour, déclarées aptes à l’expression exacte des lois scientifiques, statiques ou dynamiques. Quant à la théorie du syllogisme, elle peut être également simplifiée et systématisée. L’auteur distingue deux sortes de syllogistique: la formaliste et la raisonnée. La première classe les ligures d’après la place du moyen terme dans les prémisses, la seconde (celle de M. Lachelier) les classe d’après le procédé de démonstration qui y est employé. Du premier point de vue, M. Luguet montre facilement que toutes les figures se réduisent à la première; après une intéressante discussion de la thèse de M. Lachelier, il conclut qu’il n’y a pas lieu de distinguer la preuve négative (̃>’ et 3e figures) de la preuve positive (1" figure) et que, logiquement, le raisonnement concerne non la recherche de la vérité par élimination des erreurs, mais son établissement en elle-même L’appareil du syllogisme se réduit donc à celui de la première figure. « comprenant deux modes affirmatifs, ayant tous deux une majeure universelle et l’un mineure et conclusion universelles, l’autre mineure et conclusion particulières ». La partie du livre qui concerne l’induction présente, à notre avis, un intérêt piquant. Il s’agit de démontrer la validité formelle du procédé inductif, qui, dans la conception qu’on s’en forme traditionnellement, est manifestement illogique. Tout l’effort de l’auteur consiste d’une part à prouver que l’induction n’est pas le passage du spécial au général, d’autre part à s’appuyer sur la définition précédemment donnée de la proposition particulière celle-ci n’est, en effet, à ses yeux, qu’une universelle indéterminée, une universelle virtuelle; dès lors le procédé inductif consiste à amener à l’acte cette virtualité, à montrer que le cas particulier dont on part renferme implicitement la détermination qui permettra d’énoncer la conclusion générale à laquelle on tend. Cette interprétation est confirmée par l’analyse des méthodes, dites inductives, usitées dans les sciences de la nature comme en mathématique. Le dernier chapitre reprend la question des principes logiques. L’auteur écarte à la fois la conception de M. Lachelier et celle de Hamelin sur le fondement de l’induction; il fait dériver la légitimité de l’induction de l’existence même de la science, laquelle suppose l’immutabilité de la connexion des notions, observée dans des cas concrets quelconques. Il montre ensuite que le même principe résume en lui les divers principes du raisonnement déductif (identité, contradic.tion, syllogisme, milieu exclu) « le principe de l’immutabilité et de la transpor-