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^30 – lement éloignée du conservatisme des historistes’ et du révolutionnarisme des utopistes. L’histoire apparaissait à Marx et Engels comme l’histoire des luttes de class’es non pas. qu’ils aient jamais entendu M. Mondolfo l’établit avec beaucoup de force que l’évolution historique, fût le produit fatal de forces économiques mais tout au contraire les besoins .psychologiques des masses et leurs aspirations conscientes étaient aux yteuxdes fondateurs du socialisme scientifiqueles véritables moteurs de l’histoire. L’action étaitipour .eux étroitement solidaire -de l’idée et c’est seulement par les idées-forces des masses qu’il leur semblait possible de rendre compte des phénomènes -historiques. Ils ne croyaient pas notamment,. quoi qu’on en ait dit, que la révolution sociale dût automatiquement résulter de l’aggravation du sort des prolétaires ils pensaient tout au contraire que les causes du réveil des consciences sont dans les consciences mentes; leur philosophie de l’histoire, telle que l’expose et l’interprète M. Mondolfo, n’est nullement fataliste ou déterministe au sens vulgaire de ce dernier mot elle est bien plutôt « activiste ou volontariste et attribue aux forces spirituelles dans l’humanité la plus grande efficacité. La dialectique marxiste, en laquelle M. Mondolfo voit avec-grande raison le principe dominant et le nerf de toute la doctrine du matérialisme historique, suppose la réaction de l’homme sur les choses, au moins aussi réelle et aussi puissante que Faction des choses sur l’homme. M. -Mondolfo. a consacré tout un chapitre, le plus important de son livre à notre sens, – à développer les conséquences du point de vue dialectique de Marx et d’Engels, et à montrer que. .l’interprétation vulgaire du matérialisme historique est rigoureusement exclue par l’esprit de cette dialectique. La dialectique marxiste, strictement relativiste, et en vertu de laquelle il n’y a point de causes absolues et d’effets absolus, mais seulement des actions réciproques. entre phénomènes limités, s’oppose au monisme économique que tant d’interprètes ont ’donné comme le dernier mot idu matérialisme historique. Reprenant dans, le détail les théories de Marx sur l’économie’, sur la force, sur l’Etat, le droit, et les différentes idéologies » (science, religion, morale), et semant généreusement dans cette étude minutieuse les aperçus nouveaux et les apparences contraires, Marx et Engels n’ont jamais entendu nier la réalité et l’autonomie relative ^des divers éléments de la lève l’interprétation du matérialisme historique y sont tour à tour examinés _ët," nous semble-t-il, généralement résolus d’une manière convaincante) est sans nul doute en l’état actuel des choses l’ouvrage fondamental sur la conception snatérialiste de l’histoire. r Le principe-de la méthode de M. Môndolfo est que Marx et Engels ont souvent, été amenés, soit par la pente naturelle de leur esprit, soit par les circonstances, à forcer l’expression et parfois même i. fausser la signification de leur propre doctrine. D’autre part le socialisme, scientifique doit être considéré .comme le. t produit, de plus en plus homogène, de la collaboration de deux esprits de culture et de nature différentes, et comme; le produit d’une évolution qui, s’étendan.t sur une cinquantaine d’années, demande à iHi’e suivie de fort près. Aussi les pre-, miens chapitres de l’ouvrage sont-ils prin-_cipalement consacrés à étudier là formas tion philosophique de la pensée de Préderic Engels réagissant en effet très., heureusement contre un préjugé tropcommun, M. Mondolfo montre que sur. plus d’un point Engels a le. premierformulé des idées qui se sont .depuis fendues avec celles de Marx pour former dos éléments intégrants de ce. qu’on appelle le « marxisme ». La première, philosophie d’Engels est un « matérialisme dialectique par lequel il essaie de résoudre le problème du devenir-dans." la nature et dans l’histoire. Pendant ce temps Marx élaborait de son.- côté-. une.. philosophie pragmatiste de l’action ins-,pirér de Feuerbach. Mais ni l’unni l’autre de ces systèmes ne mérite vraiment lenom de matérialisme que leur donnaientleurs auteurs car, tandis qi3e. iNIar.xallait, jusqu’à rejeter l’hypothèse sensualiste et empiriste de la tabula rasa, Engels ne niait pas la réalité de la conscience et la distinction d<> l’esprit d’avec la matière et faisait au matérialisme traditionnel, à. celui du xyii* siècle et à celui de ses. contemporaius, les plus graves et lesplus décisives objections. Au reste Engels >et Marx avaient également subi l’influence de Hegel et de Feuerbach et par là répugnaient à toute conception de la chos.e_ en soi, qu’elle fût matérialiste ou spiritualiste ils se rattachaient, plus ou’moins consciemment, aune philosophie dialectique et relativiste. En même temps, sous l’action combinée de l’humanisme de Feuerbach. et des luttes de classes qui se préparaient ou se jouaient sous leurs yeux en Angleterre et en France, la conception marxiste de l’histoire se préparait elle était éga-