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– 46 – n’est pfis l’esprit chrétien, mais le cas de Charron n’est pas isolé. Chez beaucoup .de penseurs du xvi" siècle nous retrouvons ce dualisme déconcertant; il n’est pas interdit de penser que, sous un travesti païen, leur mentalité n’a pas cessé d’être chrétienne. Certains, comme Charron, empruntent à l’antiquité non seulement la-forme extérieure dont elle revet ses idées; mais encore son esprit et les principes de saphilosophie. Ceux-là mêmes restent souvent de bons chrétiens. C’est qu’ils ne vont pas au fond de leurs systèines; ils n’en épuisent pas tout le contenu, et ainsi, tout en étant virtuellement des ennemis du christianisme, ils demeurent attachés par l’intention à la foi traditionnelle. Ils sont orthodoxes, sinon tout à fait; par l’esprit, au moins par le cœur. Le livre de la Sagesse n’est donc pas une objection décisive contre la foi du philosophe. Reste la question de ses mœurs. Garasse l’a violemment attaqué sur ce point; Mersenne n’en insinue rien de bon; Dupleix, son contemporain, qui l’a vu et connu, déclare que ses mœurs ne valent pas mieux que sa doctrine. Néanmoins l’auteur n’estime pas démontré" que .Charron ait gravement oublié ses devoirs de prêtre. Il se peut qu’on ait confondu sa vie privée avec sa doctrine; et l’on comprendrait difficilement que tant d’évêques éminents l’aient appelé dans "leurs diocèses, s’il avait eu les mœurs scandaleuses que ses ennemis lui ont prêtées. La deuxième partie est consacrée à l’œuvre de Charron (c. vm-xv). De ce point de vue nous découvrons en lui un prédicateur éminent et célèbre dont les Discours chrétiens nous donnent quelque idée; Apologiste et .polémiste, il publie les Trois vérités contre le protestantisme, et, spécialement, contre le Traité de l’Église de DuplessiSTMornay ce sont des œuvresdont il faut tenir compte lorsqu’on veutapprécierla sincérité du catholicisme de Charron. Quant à la Sagesse ellemême, elle nous apparaît comme dirigée contre les superstitieux, les formalistes et les. pédants, c’est-à-dire, au fond, contre l’esprit du moyen âge, considéré dans ses tendances intellectuelles aussi bien que dans sa ’manière de concevoir la morale et la religion. Les sources principales de l’ouvrage sont connues Montaigne, du Vair, Bodin. On peut ajouter qu’il a utilisé Juste-Lipse et même un médecin espagnol nommé Huarte dont Charron connu l’Examen des aptitudes diverses pour les sciences. Néanmoins la Sagesse apporte, même à l’égard de Montaigne, quelque chose de nouveau. Le peuple, par voie hiérarchique, les bien-1 faits d’une sagesse toute -puissante. M. Baillet ne craint pas d’esquisser une <• critique métaphysique de l’idéal égyptien ». Il serait aisé, mais bien inutile, de contester l’assertion selon laquelle « les données égyptiennes ne semblent ajouter aucune force aux hypothèses qui font reposer l’obligation morale surl’habitude et l’hérédité » (XV, 644). On peut estimer que cette opinion se fonde sur des arguments trop abstraits, trop « philosophes » et ne ressort pas d’elle-,même des faits analysés la tradition, principe de toute autorité dans l’Egypte,antique, ne peut-elle pas apparaître comme une force du même ordre que l’habitude et l’hérédité? Quand l’auteur ajoute que « l’histoire des vertus sociales en Égypte s’accommode mieux d’une explication par la nature et la force des choses »,mais que « celle-ci ne dispense pas de l’alternative d’une explication suprême par le hasard ou par une cause première », il parait laisser lui-même à entendre que de semblables principes sont assez abstraits pour que chacun puisse, selon ses préférences, les regarder comme confirmés, ou comme infirmés par les données historiques. A quoi bon dès lors les formuler?Ne risque-t-on pas, en dépit de ses intentions expresses, d’amener certaines personnes à douter de la signification philosophique d’enquêtes aussiconsciencieuses. que celle qu’à poursuivie, d’une façon méritoire, l’auteur lui-même? Mais abstenons-nous de chicanes superflues; remercions plutôt l’auteur de ce qu’il nous enseigne et louons en son effort son propre désir d’apprendre. De l’Humanisme au Rationalisme. Pierre Charron ( 1541-1608).L’Homme, l’Œuvre, l’Influence, par J. B. Sabrié. 1 vol. in-8, de 552 p., Paris, Alcan, 1913. – L’ouvrage débute par une bibliographie des documents intéressant directement l’étude de Charron (164 n°