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15 peu propice à l’éclosion de personnalités originales et à l’apparition d’opinions divergentes. Le scepticisme moral semble n’être survenu que tard; des formules du genre de celle-ci « faire ce qu’aiment les dieux obtenaient une adhésion d’autant plus unanime, que la volonté royale manifestait aux yeux de tous la volonté divine. Elle la sanctionnait aussi en ce monde. au point, pensait-on, de pouvoir dispenser la longévité aux gens de bien; toutefois des sanctions posthumes étaient également admises, car l’eschatologie fut toujours une spéculation favorite de l’esprit égyptien. Dans ses notes, l’auteur nous facilite l’accès aux sources; il faut lui en savoir gré, car les matériaux, très dispersés, sont plus difficiles à atteindre que lorsqu’il suffit de connaitre tels ou tels ouvrages pour se renseigner sur une civilisation donnée. Le déchiffrement des stèles, l’étude des peintures murales sont aussi indispensables à l’égyptologue que lu lecture des papyrus. Pour connaitre les livres eux-mêmes, tels que le Livre di’s Morts, qui a présenté tant de variantes, il s’agit d’examiner des inscriptions plus encore que de compulser des bibliothèques. lei plus que partout ailleurs l’histoire des idées est inséparable de l’archéologie. Nous n’aurons jamais trop d’informations sur les concepts autochtones, têts que celui, par exemple, de ma, « justice ». Quoique sommaires, les indications rapides présentées par JI. Baillet sont précieuses. Nous regrettons, par contre, qu’il n’ait consacré que deux ou trois pages, assez superficielles, au problème énigmatique de la dette du christianisme d’une part, et de l’esprit grec, de l’autre, à l’égard de l’Kgypte. L’attribution à Platon de la théorie stoïco-alexandrine du Logos devrait, si elle se fonde sur une interprétation personnelle, être justifiée; sinon, elle parait un lapsus (p. 188). Mais nous accepterions très volontiers cette conclusion que <• le platonisme et le néoplatonisme se sont acclimatés et ont fleuri d’autant mieux en Kgypte, qu’ils avaient des racines égyptiennes. » (Ibid.) Le Régime Pharaonique dans ses Rapports avec l’Évolution de la Morale en Egypte, par Jules BAILLET, ancien membre de la mission archéologique du Caire, docteur es lettres, ’1 vol. grand in-8". de xv-431 et 433-810 p. Grande Imprimerie de Blois, Emmanuel Rivière, et Paris, Paul Geuthner, vol. I, 1912; vol. II, l!H3. Voici un travail considérable exécuté dans l’esprit à la fois historique et moraliste qui inspirait la précédente introduction. Déjà M. Moret avait abordé, à deux reprises, une étude voisine de celle à laquelle s’est consacré M. Baillet; mais ce dernier a traité des fonctions morales de la royauté égyptienne avec une ampleur singulière. La question est centrale dans l’investigation de la civilisation égyptienne. Religion, politique, morale, économique, gravitent autour de la notion du monarque conçu comme une divinité, comme un chef dans la guerre et dans la paix, comme un législateur et un justicier, comme un dispensateur non seulement des honneurs ou des châtiments, mais des subsistances aussi bien que des fonctions. Dans l’Introduction précitée, M. Baillet déclarait (p. t<S3) que « le caractère le plus original de la civilisation égyptienne est l’extrême centralisation de tous les services publics et principalement du plus important d’entre eux, celui de l’agriculture et des subsistances ». Ces deux volumes sont la démonstration de cette thèse générale, à travers une série de chapitres où la centralisation est tour à tour envisagée au double point de vue du monarque et des sujets. Toute la vie de l’Egypte est ainsi restituée, avec une grande abondance de détails et un souci constant de leur valeur symptomatique pour la compréhension des idées morales. De là les dimensions de l’ouvrage, qui, s’il n’était qu’un recueil de faits et s’il n’était en même temps un essai de reconstitution et par suite une peinture de impurs, aurait une extension matérielle bien moindre. Un lecteur épris des idées n’aura qu’à lire le texte tel qu’il se présente: un chercheur à la piste des faits trouvera aussi son compte dans le travail de il. Baillet, en utilisant l’index imposant qui s’y trouve joint. Nous ne pouvons ici donner le sentiment de la variété des matières abordées dans ces deux tomes, où il y a tant à puiser non seulement pour l’égyptologue, mais pour les historiens de la philosophie et pour les sociologues. Bornons-nous à signaler les conclusions délibérément, philosophiques de l’ouvrage. L’auteur admet une sorte d’osmose réciproque entre les conceptions politiques et les jugements moraux,-ou plutôt, car loyalisme et piété ne faisaient qu’un – cherche à expliquer l’harmonie qui régnait dans les mœurs et dans les idées par deux courants inverses l’un d’idéalisation, par lequel les sujets projettent dans le monarque l’objet suprême de leurs aspirations et le meilleur d’eux-mêmes, l’autre d’imitation, par lequel l’initiative du souverain fait descendre sur son