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– 11 – le blâme parce que la règle était considérée comme obligatoire, mais que la règle est considérée comme obligatoire parce qu’elle vaudrait un blâme à qui y manquerait; on n’est pas blâmé parce qu’il faut faire, mais il faut faire parce que l’on serait blâmé. M. de Gomer élimine la première branche de cette alternative en montrant qu’une règle ne pourrait être obligatoire qu’eu égard à l’excellence de l’autorité dont elle émane, ou à cause d’une fin suprême de l’activité préalablement posée comme nécessaire et dont elle serait le moyen. Or aucun de ces modes de production de l’obligation n’est recevable. Une autorité n’a de valeur pour la raison qu’autant qu’elle commande ou défend ce que la raison juge obligatoire ou interdit et l’on tourne dans un cercle. D’autre part, il n’y a pas de fin suprême sur laquelle tes hommes s’entendent il n’y a que des désirs individuels indéfiniment changeants. Par contre, il est des actions dont le caractère particulièrement odieux appelle la réprobation sur quiconque les commet, et l’abstention de ces actes s’érige naturellement en règle obligatoire. Il suffira donc de montrer, pour établir une règle morale dont l’obligation soit rationnellement justifiée, qu’il y a des actes dont la réprobation s’impose à tout homme raisonnable. Ces actes sont ceux qui blessent les personnes, car quiconque est lésé par un autre s’en irrite et se révolte; mais, dans la mesure où un homme est raisonnable il ne voit pas de raison pour s’indigner du mal qui lui est fait, à lui. et non pas du mal qui est fait aux autres. Il s’oll’ense donc de tout ce qui est fait à un homme quel qu’il soit. C’est la haine de la souffrance, généralisée par la raison, qui inspire cette règle, la seule justifiable rationnellement et la seule vraiment universelle nerninem lirde. Sur ce précepte, M. (le Gomer construit, un peu hâtivement, toute une morale. .Mais c’est une base bien étroite et peutêtre peu solide. D’où viendraient donc les obligations de l’individu envers luimême, de jour en jour plus impérieuses, dans un système oit, comme l’auteur en convient, les seuls actes qui concernent les autres peuvent être qualifiés moralement? Puis, le passage est-il si naturel de la révolte contre le tort que l’on subit à la révolte contre les maux dont souffre un autre? On a beau nous dire (p. 257) » qu’il n’y a aucune raison pour établir des distinctions entre les êtres doués de cette faculté de souffrir de certains actes d’autrui » cela fera toujours, du point de vue de la sensibilité, une singulière différence que ce soit moi qui souffre ou un autre, et je ne puis pratiquement me blâmer ou blâmer un tiers pour la souffrance d’autrui, et me sentir obligé par la prévision de ce blâme, qu’autant que je suis préalablement décidé à agir, non d’après les impulsions de ma sensibilité. mais d’après les jugements de ma raison, qu’il faut donc poser d’abord comme législateur, comme ayant par elle-même une autorité pratique. Mais, en ce cas, il n’est pas nécessaire qu’elle prenne la matière de sesjugements dans les impressions de la sensibilité, et la porte est ouverte à toutes sortes de déductions rationnelles à la manière de Kant, de Renouvier, etc. Sur le Chemin du Catholicisme, par L. Laberthonnièbe, 1 vol. in-16 de 62 p., Paris, Bloud, 1913. Un professeur de sciences avait exposé, dans les Annales de Philosophie chrétienne, les objections qui l’empêchaient d’adhérer au catholicisme. Il se laissait rebuter par l’apologétique intellectualiste et par la mentalité déplaisante des catholiques actuels. Le P. Laberthonnière réfute ces arguments quelque peu sommaires avec une élégante concision et une vigueur éloquente. Sa brochure est un excellent exposé de ses idées personnelles et des méthodes de la nouvelle apologétique. Nul doute qu’elle ne soit, à ce titre’, très utile au grand public. Le « scandale » intellectuel et le « scandale moral sont, pense-t-il, le fait d’une illusion. Il est vrai qu’une certaine apologétique, édifice de preuves qui doivent agir ex opère operalo, est définitivement condamnée. Il en existe toutefois une autre, traditionnelle au vrai sens du mot, qui reconnaît qu’ « une démarche intérieure et personnelle » constitue l’acte de foi, qui déclare les <• mailles du raisonnement » incapables de « capter une âme vivante ». Il-faudrait toutefois, ajoute le P. Laberthonnière, éviter l’injustice à l’égard des raisons apologétiques courantes. Leur caducité ne les empêche pas d’être le revêtement d’une pensée qui fùt vivante. Il s’agit toujours de découvrir « l’esprit dont le verbalisme est le résidu On y parvient par l’esprit et l’on est d’autant plus traditionnel qu’on est plus personnel. Point n’est besoin de déclarer, au reste, que toutes les apologétiques se valent. Le scandale intellectuel que peut provoquer une certaine apologétique, laisse intact le catholicisme essentiel. Quant au scandale moral, il ne peut être nié. Mais il s’agit de savoir si la misère humaine qui se voit dans le catholicisme