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L’Obligation morale raisonnée, ses Conditions, par k, DE Gomer, 1 vol. in-12 de iy-214.p.j Paris, Alcan, 1913. Voifei ce qu’à travers le brouillard d’une phraséologie diffuse .et -embarrassée, nous avons cru discerner dans ce.livre d’intention au fond assez précise. lia a paru à M. de Gomer, au. moment où il se proposait de chercher quelle règle morale peut être justifiée--rationnellement, que les, embarras des philosophes viennent, pour la plupart, de ce qu’ils se croient obligés, .de choisir entre ces deux partis ou justifier l’impératif moral par une volonté, présupposée dans l’agent moral, c’est-à-dire par la vœu spontané d’un certain bien, ou, le poser comme catégorique, comme valant par lui-même. Dans ce dernier cas, l’impératif n’est pas justifié/et reste un mystère; dans l’autre, il serait sans douté justifié, si l’on pouvait trouver une volonté universelle, présente à tous les esprits?, maisil n’en est point de telle. Entre ces deux partis, M. de Gomer a cru possible de trouver un milieu; mais c’est à la condition de se rendre compte d’abord de ce qui caractérise l’impératif moral, et c’est là l’objet de la première partie de son livre Conditions, du problème.

Ce qui caractérisera règle morale, c’est qu’elle appelle le blâme sur celui qui y manque c’est en quoi elle se distingue des règles techniques dont la négligence peut rendre ridicule- ou absurde, mais ne provoque pas «le réaction pénale. 11 ne s’agit donc que de savoir s’il existe une règle dont la violation appelle universellement et nécessairement le blâme, et un blâme qui puisse être justifié. Or, pour qu’un blâme se produise, deux conditions sont requises, selon M. de Gomer, dont la première, est que l’action blâmée ait été accomplie librement et dont la seconde est qu’elle. entraîne- ou semble entraîner quelque mal. La première condition est nécessaire pour que le blâme soit possible: la seconde pour qu’il se produise effectivement. Il faudrait donc examiner si et dans quel cas ces conditions sont réalisées. C’est pourquoi, dans une seconde partie-de son livre, M. de Gomer examine Vidée du libre arbitre, dont il affirme la réalité contre les illusions ou les sophismes des déterministes, tandis que, dans la troisième partie, il cherche comment pourrait, en fait, se produire un blâme rationnel, c’est-à-dire qui se: produise nécessairement en tout homme raisonnable. – Tenons-nous-en à ce point, le plus original.

L’auteur y soutient cette thèse que la violation de la règle morale n’appelle pas social ou loi du mensonge de groupe » M. Palante ne croit pas en effet que les croyances collectives soient des. mensonges fabriques de toutes pièces par des meneurs, rois, chefs, prêtres, etc.; mais il n’admet pas non plus, avec M; Dut-kheim, que la croyance collective,, produit naturel et spontané du milieu social, soit forcément sincère et véridique;et il croit que, plus la société évolue, plus lerôle du mensonge proprement dit devient grand. D’où le succès du pragmatisme qui n’est qu’une théorie et une apologie du mensonge utile >• (p. 249}. Entin l’antinomie morale résume et couronne toutes les autres; la morale est la grande ennemie de l’individualité; les morales font jouer à l’individu le yôleL du guillotiné par persuasion ». L& tendance "anti-indivuUialiste de toute éthique s’exprime avec son maximum de force dans la morale sociologique « qu’on pourrait appeler aussi sociocratique »,,et..à. laquelle M. Palante reproche, à tort d’ailleurs, d’oublier que le problème moral est un problème de valeur (p. 263). Quelques réserves que l’on puisse faire sur telle ou telle thèse de M. Palante, il faut convenir de la vigueur de son attaque. Pourtant après l’avoir lu on n’a pas de" l’opposition entre l’individu et la société une impression aussi vive que ceLle: qu’il a, semble-t-il, voulu donner.- Cela vient sans doute de ce que, repoussant, comme purement négatif, destructeur, niveleur, facile et banal, l’individualisme stirnérien. M. Palante affirme ses sympathies pour un « individualisme aristocratique--» qui, de son propre aveu, isole l’homme supérieur de son groupe, mais non de toute société, pour un individualisme qui n’est pas une révolte absolue à l’égard de toute société », qui « s’attaque à la société actuclle au nom d’un idéal supérieur de sociabilité » (p. 102),- qui, -i fait une place aux considérations -sociales. », qui fait comprendre à l’individu -«̃«•la nécessité de se subordonner à l’œuvre commune » ip. 190), qui admet que. la liberté suppose, non l’isolement mais l’entr’aide, la collaboration de tous.», qui « nu nie pas la société, mais-désire l’améliorer’ et l’élever moralement » (p. 252), qui est « compatible avec l’idée d’une culture humaine et d’un lien social » (p. 286). M. Palante n’est-il pas très près de ceux qu’il a cru combattre? Son individualisme ne se confond-il pas avec le « sociologisme » qu’il repousse;?_Cel;ajie. veut-il pas dire que rindividualisrne.se; nie à mesure qu’il s’affirme et s’approfondit, et que l’individu est d’autant plus luimême et a lui-même qu’il se renonce plus?