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logique, et qui coexiste avec la pensée pure : après avoir réfute l’empirisme psychologiste et nominaliste d’Helmholtz et Kronecker, Natorp tente comme Grassmann, Frege, Dedekind, Cantor, Russell et Couturat, de construire la mathématique sur des bases purement logiques. Mais, pour les deux derniers philosophes au moins, la logique, c’est la mathématique, et la mathématique, c’est la logique, ils voudraient fonder l’arithmétique sur la seule logique formelle ; pour M. Natorp au contraire la logique, science déductive de la déduction, est nécessaire pour fonder et justifier les processus déductifs des mathématiques, sans qui les opérations logiques sont des procédés purement mécaniques où l’entendement n’a point de place. M. Couturat s’en tient, selon Natorp, à la logique traditionnelle d’Aristote d’après laquelle on définit en ne s’arrêtant qu’à certains concepts derniers et indéfinissables qui n’ont de sens que pour un système déterminé de définitions et pour une série déterminée de preuves, purs symboles dont le sens est indéterminé et indifférent et qui sont soumis à la seule et unique condition de satisfaire aux principes. Pour Natorp, des symboles dont le sens est indéterminé et indifférent sont tout ce que l’on voudra, sauf logiques : et il retrouve au fond de la théorie critiquée le préjugé d’Aristote, erreur fondamentale du réalisme logique, qui consiste à croire les choses données dans la représentation au moyen de la perception, de sorte que la connaissance est seulement l’élaboration analytique de ce contenu donné par avance (p. 8) : de cette élaboration analytique la logique aristotélicienne était un instrument, et la logistique moderne en est un instrument plus précis : mais tout ce mécanisme pourrait aussi bien s’accomplir en dehors de toute intelligence.

Mais cette fonction analytique de la pensée n’est pas la seule ; l’analyse ne se suffit pas à elle-même ; c’est l’opération de synthèse qui est primitive. L’analyse







transforme la connaissance en tautologie ; la synthèse est hétérologie ; pour que la connaissance soit possible et progressive, il faut, que le différent puisse être posé comme identique, et l’identique comme diffèrent. La connaissance est donc un processus in fini comprendre, ce n’est pas arriver au repos et à l’équilibre de la pensée, c’est transformer en mouvement tout équilibre apparent. La méthode, le processus est tout. Le fait de la science, est un devenir du devenir seul on peut dire qu’il est. Les sciences nous présentent une régression à l’infini d’hypothèses à des hypothèses toujours plus fondamentales

1a seule chose qui n’ait point

d’autre fondement qu’elle-même, c’est la loi de ce processus, qui détermine la direction de cette marche de la connaissance à l’infini ; c’est la loi de la pensée pure que Natorp et Cohen identifient, comme on sait, avec le Logos platonicien Natorp oppose cette conception génétique de la connaissance au dogmatisme absolutiste » naïf et spontané. Ainsi ce qui est subjectif et apparent, ce n’est pas le devenir, ce sont des conclusions arbitraires qui nous font voir du repos là où il y a au vrai éternel processus de devenir ; l’unité suppose la série, le fini suppose l’infini. Il en résulte que, comme la connaissance même qui est éternel progrès et non repos, l’objet devient une tâche infinie (Der Gegenstand als unendliche Aufgabe), une projection infinie, et toute détermination finie de l’objet une coupure arbitraire dans un processus continu (p. 34). De même que des objets il faut remonter à l’objet, des principes qui résolvent une question déterminée il faut remonter au principe des principes, à l’Ursprung ainsi se réalise le progrès des connaissances à la connaissance, progrès qui est la tàche même de la Logique ou science du Logos. Le second chapitre expose le système des fonctions logiques fondamentales. Traditionnellement les trois objets de la Logique sont le concept, le jugement, le raisonnement. II s’agit pour le logicien de rechercher, non pas les lois fondamentales de la pensée comme activité psychique, mais les lois auxquelles est soumise la chose pensée (das Gédachte) comme telle, laquelle se confond avec le contenu possible— de l’affirmation (Aussage) voilà pourquoi. Platon et Aristote, partant de la nature grammaticale de la proposition, y découvrent une relation ou rapport entre un sujet et un prédicat, relation exprimée par la copule. Une chose est toujours dite d’une autre chose. Toute chose pensée est 1° une relation entre deux termes, 2° un progrès, quelque chose étant. ajouté à ce qui était antérieurement posé, et l’étendue de ce qui est pensé s’élargissant ainsi constamment." Le jugement est la forme ^générale de la pensée ; les termes en sont les concepts. La forme primitive du jugement est l’acte fondamental qui consiste à déterminer (ch. n, § 2. Der Grundakt des Bestimmens als UrgestaU des Urteils). Il faut se garder de l’erreur immanente à toute logique depuis Aristote et qui consiste à croire qu’il faut toujours des