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actes desdits inculpés », — voilà les trois points sur lesquels il nous semble y avoir une entente, sinon unanime, du moins sérieuse, et ils paraissent bien essentiels. Est-ce donc sur des mots que l’on se bat ? On pourrait le croire, à lire ce livre, si l’on se refuse à suivre son auteur, lorsqu’il accuse la majorité de Genève de renoncer à éclairer la magistrature. Mais derrière les mots il y a les tendances et M. Grasset manque peut-être de l’impartialité nécessaire pour les dégager clairement. Il y a d’abord, dans les tendances, une première divergence sur laquelle nous n’insisterons pas. On a l’impression que M. Grasset a une confiance beaucoup plus grande que ses adversaires dans la possibilité de déterminer le degré de capacité de résistance d’un individu aux mobiles criminels, et qu’il serait disposé à reconnaître aux médecins un rôle inquiétant, auprès duquel il est permis de préférer la modestie de M. Gilbert-Ballet. Mais c’est surtout sur l’usage des mots de responsabilité et de responsabilité atténuée que portent les débats. Les partisans du vœu Gilbert-Ballet ont voulu les rayer des conclusions des experts, parce qu’ils leur paraissent entachés d’un vice théorique et propres à soulever des questions qui n’ont rien de médical. M. Grasset répond avec raison que le mot de responsabilité peut être pris dans un sens purement positif et social, purement déterministe, ce qui, depuis les démonstrations de Leibniz, de Stuart Mill, de Lévy Brühl, de Tarde, semble difficile à mettre en doute ; il ajoute que les mots de responsabilité atténuée ont pour lui un sens tout médical, désignant une anomalie psycho-physiologique qui appelle un traitement spécial ; enfin il s’applique à dissocier cette idée du système fâcheux des courtes peines en insistant sur la sévérité et sur la durée du régime auquel on soumettrait le [[corr|demifou|demi-fou}}, qui, dit-il, comprend fort bien le gendarme. Toutes ces intentions sont excellentes, mais les mots ont un pouvoir magique qui se joue des intentions. Peut-on s’imaginer que des jurés, avec leurs conceptions courantes, puissent entendre parler de responsabilité atténuée, sans désirer une atténuation de la peine ? M. Grasset lui— même ne trouve-t-il pas celle-ci en somme assez naturelle ? Or peut-elle s’expliquer autrement que par l’idée d’une culpabilité moindre, d’une moindre liberté ? Pour le déterministe qui ne regarde que l’avenir, l’intimidation et la réforme, cette atténuation n’a pas de sens, si le prévenu est sensible à la peine ; s’il n’y est pas sensible, c’est une suppression qui s’impose ; s’il y est faiblement sensible, c’est alors, dans la mesure où son état mental le permet, plutôt à une augmentation qu’il faudrait songer. C’est donc bien une question de conduite à tenir vis-à-vis de l’accusé que soulèvent les mots employés, en dépit peut-être de l’intention de celui qui les emploie. Le mot de responsabilité n’a que deux sens : culpabilité morale dans le passé, ou susceptibilité de supporter les conséquences de son acte, en vue de l’avenir. La responsabilité médicale dont parle M. Grasset est un terme hybride, qui ne peut désigner que l’analyse des conditions psycho-physiologiques permettant de résoudre la question de responsabilité morale et sociale. Il y a donc là en réalité deux éléments distincts : une expertise médicale et l’idée de son influence sur la conduite à tenir envers le prévenu. C’est cette duplicité d’éléments que sentent fort bien les adversaires de M. Grasset et que celui-ci s’efforce en vain — très sincèrement d’ailleurs — de dissimuler. Dès lors la distinction du rôle du médecin et du juge, qu’il réclame au même titre que ses adversaires, semble beaucoup mieux assurée par la manière de procéder que ceux-ci recommandent : s’en tenir à des conclusions médicales, qui, quoi qu’en dise M. Grasset, peuvent être fort bien exprimées en langage intelligible pour tous, sans qu’on ait besoin de recourir à des termes équivoques, comme ceux de responsabilité atténuée. À cet égard, les conclusions de M. Gilbert-Ballet votées à Genève nous paraissent devoir être accueillies avec la joie réconfortante que donne le succès d’une idée claire, en une matière où il importe par-dessus tout de sérier les questions, de diviser les fonctions, de faire le départ de la certitude et de l’hypothèse, — jusqu’au jour où le fonctionnement même des hôpitaux-prisons nous aura donné des spécialistes nouveaux, qui ne soient ni de purs juristes, ni de purs neurologistes, et où, devant les jurys d’individualisation qu’ils pourront composer, l’analyse de la mentalité du criminel et l’indication du traitement à lui appliquer pourront être traitées de front.

La notion de prospérité et de supériorité sociales, par Gabriel Melin, 1 broch. in-8 de 64 p.. Paris-Nancy, Berger-Levrault, 1908. – C’est un essai de précision, d’après la méthode de Le Play, des définitions de ce dernier. L’auteur définit la prospérité « l’accomplissement intégral, proportionné et harmonique des diverses fonctions, avec adaptation au lieu et au temps ». La supériorité supposera la prospérité du groupement le plus