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1 vol. in-16. de 108 p., Paris, Nourry, 1908. — D’une manière un peu trop succincte, M. Hébert veut étudier, dans ce petit livre, le pragmatisme « sous ses diverses formes, anglo-américaines, françaises et italiennes, et sa valeur religieuse » : ainsi l’annonce le sous-titre. Un premier chapitre est consacré à Pierce, le second à W. James, le troisième à Schiller d’une part, au « pragmatisme scientifique » de MM. Poincaré et Le Roy d’autre part ; le quatrième aux précurseurs de ce mouvement, de Socrate à M. Bergson : le dernier, aux applications religieuses du pragmatisme. M. Hébert en distribue les diverses formes en trois types : le pragmatisme pur (qui néglige ou méconnaît tout ce que la connaissance a de valeur représentative) : le Pragmatisme mitigé (celui de James et de MM. Poincaré et Le Roy) ; enfin, le pragmatisme partiel, c’est à-dire « mitigé quant à l’extension », c’est-à-dire les doctrines qui restreindraient le pragmatisme, soit au fait scientifique, soit au fait religieux, soit à tel autre aspect de la vie : en ce sens très large, le mot marquerait plutôt une tendance qu’une doctrine. Si l’on songe que ce programme si vaste est traité en 100 pages in-16, on ne s’étonnera pas que les remarques, souvent intéressantes, de M. Hébert se présentent à l’état d’indications insuffisamment justifiées.

La Vie Sociale et l’Education, par Jules Delvaille. 1 vol. de viii-200 p., Paris, Alcan. 1907. – Ce volume nous est présenté en toute simplicité comme « l’affirmation de l’Idéal Social de notre pays » : les timides que la perspective de telles vues d’ensemble pourraient effaroucher, n’arriveront pas à définir de façon plus précise le but que poursuit M. Delvaille. En revanche sa méthode est très aisément définissable.

Né tout près du sol, « au contact des jugements éducateurs de notre époque », ce livre prétend nous faire planer très haut : il nous transporte, bien loin de la réalité sociale, dans le monde radieux des très belles et très vagues « idées générales » auxquelles les théoriciens et surtout les praticiens de notre Démocratie nous ont depuis longtemps accoutumés.

Pour donner à d’aussi larges envolées un solide point d’appui, M. Delvaille prodigue les citations et les renvois ; son livre apparaît ainsi comme un vrai catalogue de titres variés auquel s’ajoute une véritable revue des principaux problèmes que les sciences sociales, morales et pédagogiques ont successivement posés devant nous. Certes une semblable revue ne manque pas d’intérêt, et l’auteur y glisse souvent des observations très pénétrantes (surtout en ce qui concerne l’éducation physique et intellectuelle) ; mais nous sommes entraînés si rapidement que la plupart des difficultés semblent s’évanouir et que les solutions très modérées, très « raisonnables » que M. Delvaille nous propose, nous paraissent tout de suite très satisfaisantes et pour ainsi dire complètes : quelle grande force et quel art redoutable, que de savoir ainsi en quelques pages épuiser et fermer totalement une question qu’on effleure à peine !

Armé de « cette méthode critique » M. Delvaille après un tableau sommaire de la vie sociale contemporaine, renonce à « résoudre ici tous les problèmes sociaux » (p. 33), et se contente de poser les principes de l’organisation nouvelle et tout d’abord il affirme « la nécessite de la réforme individuelle, l’intervention possible des volontés dans les événements de l’Histoire » (p. 37).

C’est là, si l’on ose dire, l’idée centrale du livre : « L’effort de la démocratie contemporaine doit tendre à refaire la conscience individuelle, et cette rénovation morale est en définitive un problème d’éducation (p. 194).

Mais il ne suffit pas d’établir les bienfaits de l’instruction et des lumières (chap. iii), ni de démontrer, contre les partisans de la thèse de l’hérédité, la valeur sociale et l’efficacité de l’éducation (chap. iv) ; il faut savoir en quel sens il convient de l’orienter. En penseur qu’aucune hardiesse n’effraie, mais qui ne cache pas ses préférences pour les grandes routes du passé, M. Delvaille va fournir à l’éducateur tout ce dont il a besoin pour préparer l’individu à la « vie complète » : Philosophie scientifique, Morale, Doctrine Sociale et même Métaphysique, il puisera tout cela dans la grande tradition individualiste du XVIIIe siècle} et de la Dévolution. Valeur absolue de l’individu, – reconnaissance du droit unique, originaire, que chacun possède par cela seul qu’il est homme, respect de toute personne humaine, supériorité de l’ordre moral sur l’ordre naturel, croyance au progrès… telles sont les vérités « indiscutables » en dehors desquelles « ni Morale, ni éducation, ni pratique ne sauraient être fondées » (p. 109).

Une fois ces principes combinés avec le solidarisme et le mutualisme de la troisième République, « l’idée métaphysique donnera son couronnement à la Philosophie de la Solidarité » (p. 171) une sorte de Déisme à la Rousseau ouvrira aux hommes les larges avenues