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objection assez voisine de celle-là. Que M. Sera relise Platon. Le Gorgias, après tout, a été écrit sur les bords de la Méditerranée.

La Kontinuo, elementa teorio starigita sur la ideo de ordo ; kun aldono pri transfinitaj nombroj. Tradukita de la angla lingvo kun la permeso de la aŭtoro (E. V. Huntington) de Raoul Bricard, 1 vol. in-12 de 125 p. Paris, Gauthier-Villars, 1907. – Nous avons déjà rendu compte du mémoire original de M. Huntington (paru dans les Annals of Mathematics, 1905) qui constitue un manuel élémentaire et précis de la théorie des ensembles. Il convenait de l’« internationaliser », et nul n’était mieux désigné pour cette tâche que M. Bricard, auteur du Matematika Terminaro kaj Krestomatio. Nous ne saurions trop recommander la lecture de cet ouvrage, soit pour le fond, qu’il n’est plus permis aux philosophes d’ignorer, soit pour la forme ; on verra comment l’Esperanto permet de traduire avec précision les notions les plus subtiles de la mathématique moderne, et souvent même avec une précision supérieure à celle de nos langues ; par exemple il distingue nettement les divers sens des mots limite, Grenze, etc., par des termes différents (limo, rando). C’est un excellent exemple qu’ont donné là le traducteur et l’éditeur ; il faut espérer qu’il sera bientôt suivi, et qu’il constitue le premier spécimen d’une littérature mathématique internationale. Et quand cette littérature contiendra des traductions d’ouvrages russes, polonais, hongrois ou finlandais, peut-être les beaux esprits polyglottes finiront-ils par reconnaître l’utilité d’une langue internationale.

REVUES ET PÉRIODIQUES

Revue de Psychologie Sociale publiée tous les mois sous la direction de MM. Espinas, Gide, Dupré, Darlu, J. Maxwell, Steeg, Lacombe. Secrétaires de la rédaction A. de Tarde et J. Teutsch. Première année, n° 1. Cette nouvelle revue embrassera l’ensemble des sciences sociales : « elle s’étendra à tous les domaines de la Sociologie ». C’est dire qu’on ne peut la définir, ni par son objet ni par son cadre. Tous deux sont également illimités et indéterminés. Aussi bien ne revendique-t-elle d’autre originalité que celle du point de vue, c’est dans l’emploi constant d’une méthode qu’elle espère trouver et sa raison d’être, et son principe d’unité.

Cette méthode qu’on se propose d’appliquer aux problèmes sociaux les plus divers nous est présentée comme une méthode d’observation psychologique, méthode souple, expérimentale, essentiellement concrète et réaliste. Réagissant contre les résultats décevants » auxquels aboutit, dans la théorie comme dans la pratique sociale, l’esprit mécaniste et systématique du xviiie siècle, cette méthode psychologique se tourne vers les faits, elle oppose les réalités vivantes et complexes aux abstractions ». – Et surtout elle repousse la psychologie sommaire et artificielle, qui a faussé profondément les livres des économistes orthodoxes, les théories objectives des criminalistes, les classifications des juristes, les systèmes de morale, d’esthétique, de pédagogie. À la conception schématique et simpliste de l’homme individuel, isolé de sa race et de son milieu, être raisonnable, libre, responsable, travaillant exclusivement à son intérêt personnel, elle substitue l’homme réel, vivant en société, être impulsif, pétri de préjugés, d’instincts et de passions, force perdue dans le flot mouvant des forces ambiantes ». Bref, qu’il s’agisse de l’activité humaine normale, pathologique ou criminelle, cette méthode « vivifie et complète l’ancienne psychologie individuelle par l’étude de la psychologie sociale, c’est-à-dire de l’action combinée et réciproque des milieux et des forces individuelles ». — « Dépouiller tout automatisme pour se rapprocher de la vie », cette formule bergsonienne ou tardienne résume le programme de la nouvelle Revue. Il est large et séduisant.

Les fondateurs de la Revue espèrent arriver à des conclusions pratiques, et contribuer à préparer et à orienter la réforme des institutions sociales et juridiques. Mais, même s’ils se bornent à contempler de loin et à analyser les phénomènes sociaux qui s’égrènent sous nos yeux, cet effort de réflexion sur le présent peut être très fécond et doit attirer l’attention du philosophe.

Nous trouvons, dans ce premier numéro, plusieurs articles intéressants et dont le lecteur est porté à regretter la grande brièveté une étude sur les viticulteurs méridionaux, de M. Augé-Laribe — le procès de la magistrature au théâtre, par M. Bicking, – la critique du droit de propriété d’après Proudhon, par E. Héligon, – les rapports de l’histoire littéraire et de la sociologie, par H. Chatelain, la question des tribunaux, pour enfants et un compte rendu du congrès de l’Union internationale de droit pénal, par Edmond Hermance, — une bibliographie critique quelques analyses de revues.