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vrie du physicien, réduite à des modes de mouvement, c’est-à-dire à des apparences visuelles, et que les phénomènes transitoires de la conscience, incapables par eux-mêmes de constituer un être véritable, de rendre intelligible la conservation du passé dans le présent, le souvenir et le caractère. C’est la vie qui a lentement développé les facultés intellectuelles de l’homme, elle déborde infiniment l’intelligence. C’est aussi la vie qui a créé la représentation du monde extérieur que nous avons, c’est-à-dire la matière du physicien. Le physique et le psychique sont donc deux acquisitions d’un organisme qui a évolué, et aucune des deux ne peut expliquer cet être dans son fond véritable. L’activité de cet être reste donc nécessairement mystérieuse, et, comme il n’y a pas d’autre activité, tout changement restera mystérieux. En fait, l’action d’un corps en mouvement sur un autre corps qu’il choque n’est pas plus intelligible que l’action d’un corps sur un esprit, et n’est pas plus réelle.

Ce résumé des vues de l’auteur montre assez les nombreux rapports de cette pensée avec la doctrine exposée dans l’Évolution créatrice de M. Bergson. Il est essentiel de noter que les deux ouvrages sont exactement contemporains.

The Philosophical Radicals, and other essays, with chapters reprinted on the Philosophy of religion in Kant and Hegel, by A. Seth Pringle-Pattison, LL. D., fellow of the British Academy, professor of Logic and Metaphysics in the University of Edinburgh, 1 vol. in-12 de x-336 p., Edimbourg, Blackwood, 1907. — Les deux chapitres réimprimés à la fin du présent volume avaient paru déjà, le premier en 1882, le second en 1883, alors que naissait seulement en Angleterre le mouvement « néo-kantien », autrement dit, hégélien : ils constituent donc un intéressant document historique. Le reste du volume est rempli par des études critiques, consacrées à des ouvrages récents (l’histoire de l’utilitarisme anglais, de Leslie Stephen ; les Principes de la Civilisation Occidentale, de Benjamin Kidd ; l’autobiographie de Herbert Spencer, etc.), et parus antérieurement soit dans de grandes revues soit dans des revues spéciales. L’auteur, disons-nous, est hégélien : il est en possession d’une doctrine qui permet d’assigner un rang à toutes les doctrines, de toutes les justifier, à un certain point de vue, et, en même temps, à un autre point de vue, de toutes les condamner. Excellente discipline pour l’esprit critique, semble-t-il : la méthode hégélienne ne nous entraîne-t-elle pas à sympathiser avec le plus grand nombre possible d’aspects de la vérité philosophique, à élargir sans cesse notre intelligence sans aliéner jamais notre indépendance intellectuelle ? Mais pourquoi faut-il qu’elle dégénère en scolastique ? qu’elle tende à assoupir l’esprit critique, et à replonger le philosophe dans ce sommeil dogmatique dont Kant avait voulu le tirer ? qu’à propos de chaque système elle ait sa formule toute prête, pour louer sous tel rapport, et pour blâmer sous tel autre ? que chaque essai de M. Seth. Pringle-Pattison, le lecteur puisse, en quelque sorte, l’écrire à l’avance ? La plus grave critique que nous puissions adresser à l’auteur, c’est qu’il y a très peu de mal à dire de ce livre neutre, sagement écrit, sagement pensé, et tranquillement orthodoxe.

L’arte di persuadere, par G. Prezzolini, 1 vol. in-4 de 116 p., bibl. du Leonardo, Florence, 1907. – Ce livre d’un des fondateurs du Leonardo a tous les caractères de cette publication retentissante et aventureuse le goût du paradoxe, la volonté d’étonner le lecteur à tout prix, l’affectation d’immoralisme ; il constitue un essai, d’ailleurs intéressant, pour renouveler, du point de vue de la psychologie moderne, la sophistique des anciens telle qu’elle se révèle dans les dialogues platoniciens. L’Art de persuader est en effet conçu par M. Prezzolini comme un art d’enseigner indifféremment le pour et le contre, et lui apparaît donc comme une sorte d’art du mensonge ; il voudrait voir restituer au mensonge « sa légitime importance dans l’éducation— », et il faudrait en réduire les règles en « manuel ». Aussi bien, le mensonge est tout à fait assimilable à la théorie scientifique » le savant est un menteur utile à la collectivité, le menteur un savant utile à l’individu » (p. 13). On peut, par cette citation, juger du ton de tout le livre. — Très méthodiquement, M. Prezzolini énumère, d’abord, les principes généraux de son art que la raison n’y joue qu’un rôle secondaire qu’il faut s’adapter aux auditeurs sur qui l’on veut agir ; qu’il faut être indifférent aux moyens pourvu que la fin soit atteinte, et qu’il y a lieu dès lors de réhabiliter la persuasion par la force. — Puis sont étudiés les procédés d’auto-persuasion, « surtout les procédés extérieurs pour transformer le moi » et « choisir arbitrairement ses croyances » ; ici encore le mensonge joue le premier rôle on se donne d’abord une attitude, et l’on finit par devenir ce que l’on veut paraître ; « on pourrait fonder, et elles existent