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cédés logiques, en matière de fait. — Si dangereuses que de telles conclusions puissent paraître, le livre est d’un grand intérêt. La dialectique la plus souple (malgré un certain abus scolastique des divisions), un choix d’exemples concrets et toujours appropriés, une langue très riche et singulièrement vivante — aussi peu ecclésiastique que possible – retiennent le lecteur et l’obligent à suivre les méandres de cette longue argumentation contre la raison logique. La traduction de Mme  Gaston Paris est fidèle et réussit souvent à rendre le mouvement de la phrase originale.

Philosophie sociale et religion d’Auguste Comte, par Edward Caird. Traduit de l’anglais par Miss May Crum et Ch. Rossigneux, préface de M. Ém. Boutroux. 1 vol. in-8 de 196 p., Paris, Giard et Brière, 1907. — Cette traduction sera utile à tous les lecteurs français qui s’intéressent à l’étude du positivisme : les travaux de langue française concernant la religion de l’Humanité sont en effet relativement peu nombreux ; encore présentent-ils trop souvent un caractère plutôt polémique que scientifique. Le livre de M. le professeur Caird peut se décomposer en deux parties : 1° un exposé des idées sociales et religieuses d’Auguste Comte ; 2° une critique approfondie de ces idées.

L’exposé occupe, le premier chapitre de l’ouvrage ; il est à la fois clair et exact. On y reconnaît l’effort d’un esprit vraiment philosophique, au meilleur sens du mot, pour résumer aussi objectivement que possible un système qui n’est pas le sien. Il faut regretter qu’aucune des citations de Comte contenues dans ce chapitre ne soit accompagnée de sa référence.

Quant à la partie critique, elle est des plus remarquables ; nous signalerons surtout les pages si pénétrantes consacrées à l’examen des reproches adressés par Comte à la théologie et à la métaphysique (p. 99 suiv.). – On peut cependant, semble-t-il, lui adresser les deux observations suivantes : 1° Comte est trop envisagé comme un pur philosophe ; or, si on veut bien le comprendre, il faut se rappeler qu’il est avant tout un réformateur : son système philosophique n’a pas sa fin en lui-même, il n’est qu’un moyen en vue de la réorganisation sociale. Il suit de là que les comparaisons entre Comte et Kant (p. 70-71) sont tout à fait artificielles, pour ne pas dire oiseuses : le point de vue d’une théorie ou critique de la connaissance est absolument étranger à la pensée comtiste ; 2° On peut adresser à M. Caird une objection de méthode à propos de sa discussion de la religion de l’Humanité : M. Caird se donne une définition de la religion en général (p. 128), après quoi il montre que la religion de l’Humanité n’en est pas une, attendu qu’elle ne répond pas à ladite définition. C’est là substituer au problème vivant une querelle de mots, ce qui est toujours regrettable.


Pragmatism, by W. James, 1 vol. in-18 de 209 p., London, Longmans et Green, 1907. Studies in humanism, by F. C. S. Schiller. 1 vol. in-8 de 429 p. London, Macmillan, 1907. – Le premier de ces deux volumes est composé de huit conférences faites à Boston en novembre et décembre 1906 et à New-York, à l’Université Colombia, en janvier 1907. C’est un exposé familier, vivant, concret, de la méthode et de l’attitude pragmatiques, auquel William James déclare se rallier entièrement. – Le second comprend vingt études, déjà parues pour la plupart dans les revues philosophiques anglaises, le Mind en particulier, et où Schiller essaie d’établir la légitimité du pragmatisme surtout sous une forme critique, parfois même agressive, en répondant aux objections de ses adversaires idéalistes et néo-hégéliens, MM. Bradley surtout et Joachim (La nature de la vérité). – La Revue consacrera prochainement une étude critique à ces deux ouvrages.

Philosophical problems in the light of vital organization, by Edmond Montgomery. 1 vol. in-8 de 462 p. New-York and London, Putnam’s Sons, 1907. – L’auteur se propose de montrer que certains problèmes philosophiques fondamentaux, celui de la substance par exemple, celui de la causalité, la question capitale entre toutes des rapports de l’esprit et du corps, celle de la vraie nature des mouvements volontaires, trouvent leurs solutions en dehors du monisme matérialiste et du monisme idéaliste, dans une doctrine métaphysique directement inspirée par la biologie. L’ouvrage comprend deux parties. La première, surtout historique, énumère plusieurs graves problèmes en insistant sur l’insuffisance des solutions proposées la seconde expose les vues propres de l’auteur.

L’étude des diverses théories de la substance, par laquelle commence la partie historique de l’ouvrage, contient une critique pénétrante, mais rapide, du matérialisme et un examen plus étendu de l’idéalisme, lequel ne peut constituer l’être, la substance, ni avec des perceptions ; ni avec des concepts. Les concepts les plus vastes sont les plus vides. Le Tout est à peu près synonyme du Bien (p. 27). L’Un de Plotin, le « tranquille Rien » de Boehme, le