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manière qui lui est le plus favorable » ; et cet effort aboutit à des conclusions de ce genre : « Son horizon et sa culture étaient excessivement restreints… » ; il lui a manqué « la technique du philosophe, la faculté de répéter in abstracto l’essence du monde qu’il reconnaît par intuition » ; son « panthéisme n’est qu’un athéisme poli », etc.

Uber die Stellung der Gegenstandstheorie im System der Wissenschaften, par A. Meinong. 1 vol. gr. in-8 de viii-159 p., R. Voigtländer, Leipzig, 1907. – Ce volume contient trois articles que l’éminent professeur de Graz a publiés récemment dans la Zeitschrift für Philosophie und philosophische Kritik pour défendre contre des objections d’ordres divers la discipline originale qu’il a appelée Gegenstandstheorie, délimiter l’objet distinct auquel elle s’applique, les résultats essentiels qu’elle a déjà permis d’atteindre, marquer enfin sa relation soit avec la psychologie et la métaphysique, soit avec la logique et la théorie de la connaissance. C’est donc une excellente occasion, pour le lecteur, de prendre contact avec une doctrine qui n’a pas encore été en France l’objet de l’attention sérieuse à laquelle elle a droit. L’auteur est un psychologue qui a reconnu l’insuffisance des procédés mis en œuvre par la psychologie pour l’étude de l’intelligence humaine. Le psychologisme repose sur ce postulat que la connaissance se réduit tout entière, contenu et forme, au processus subjectif que la conscience peut saisir en se repliant sur elle-même. Or ce postulat est, du point de vue même de la psychologie, insoutenable : nul ne confondra la présentation de la couleur avec la couleur elle-même, ou le jugement sur la distinction du vert et du jaune avec cette distinction elle-même ; cela seulement relève du sujet, ceci constitue l’objet. La psychologie étudie les événements du sujet ; de quelle science relève l’étude de l’objet ? Pour la couleur, direz-vous que c’est la physique ou la physiologie ? Mais le physicien ne connaît que des vibrations, le physiologiste ne connaît que des chocs ou des courants ; aucune science n’a donc affaire avec telle chose que la couleur, si ce n’est précisément la Gegenstandstheorie qui a pour fonction de recueillir les objets « sans patrie ». À plus forte raison, quand je juge que le vert et le jaune sont deux couleurs différentes, la diversité, qui est l’objet propre de mon jugement, appartient-elle à cette discipline spéciale, dont le domaine s’étend, hors de la sphère de l’existence sensible et de l’expérience immédiate, à tout ce qui n’est pas le réel proprement dit, à ce qui est « libre de l’existence ». À ce titre, la Gegenstandstheorie est en connexion étroite avec la mathématique, et M. Meinong apporte une contribution des plus suggestives et des plus probantes à la thèse de l’a priorisme. Il montre que le débat entre l’empirisme et le rationalisme a été faussé depuis des siècles par ce préjugé que les deux doctrines étaient des armes de guerre destinées à l’anéantissement du rôle de la raison ou du rôle de l’expérience dans la science ; que le problème se résout, dès qu’il est bien posé, par la distinction des différents éléments du savoir. Les éléments d’ordre inférieur sont empruntés à l’expérience ; ce sont ceux qui concernent telle ou telle réalité particulière, comme, par exemple, ma table de travail. Tout ce qui est bâti sur cette connaissance purement empirique, depuis les idées générales, les jugements de comparaison qualitative jusqu’aux définitions de la mathématique et aux théorèmes des géométries euclidiennes ou non euclidiennes, tous les objets d’ordre supérieur, comme dit M. Meinong, tout cela est a priori. Cet a priori est l’objectif des jugements, comme la chose particulière est l’objet d’une présentation empirique. Tout en demeurant positive par son attention aux faits, sans se confondre avec la métaphysique qui est la science de l’être, la science de cet objectif « libre de l’existence », ou la Gegenstandstheorie, a sa place dans le système des sciences : c’est elle qui fait correspondre un objet effectif aux concepts et aux jugements dont la psychologie décrit la genèse sans en pouvoir légitimer la valeur ; c’est elle seule, par conséquent, qui peut fonder sur des lois nécessaires les normes que prescrivent la logique et la théorie de la connaissance.

Untersuchungen zur Sinnespsychologie, von Franz Brentano, 1 vol. in-8 de x-161 pp., Duncker et Humblot, Leipzig, 1907. — Le livre de M. Brentano est composé de trois mémoires présentés l’un en janvier 1893, à la Société philosophique de Vienne : Vom phanomenalen Grün ; les deux autres aux Congrès internationaux de psychologie de Munich (1896) et de Rome (1905) : Ueber Individuation, multiple Qualität und Intensität sinnlicher Erscheinungen, — et Von der psychologischen Analyse der Tonqualitäten in ihre eigentlich ersten Elemente. Bornons-nous à résumer le premier de ces mémoires, le plus important des trois, que complète un long appendice (de 1905).

La thèse que soutient M. Brentano dans ses articles sur le vert phénoménal, est double :