besoin de récompense, étant, identique à l’être, etc. »
John Locke. Ses théories politiques et leur influence en Angleterre. Les libertés politiques. L’Église et l’Etat. La tolérance, par Ch. Bastide, docteur ès lettres, professeur agrégé au lycée Charlemagne. 1 vol. in-8 de 397 p. Paris, Leroux, 1907. – M. Bastide nous offre une biographie de Locke plus complète que toutes celles qui ont été publiées en France. Il s’attache à montrer quelles influences, au cours de sa vie, a pu subir le philosophe : influence des puritains et des latitudinaires, influence de Shaftesbury (l’homme politique), influence des publicistes hollandais (qu’il ne faut pas exagérer). Il insiste sur le rôle politique, peu connu, que Locke a été amené à jouer dans la dernière partie de sa vie : si la Révolution de 1688, dit M. Bastide, n’a pas connu le régime des assignats, c’est à Loche qu’elle le doit. — Après cette biographie vient l’exposé des théories politico-religieuses de Locke. Mais, pour les expliquer, M. Bastide remonte jusqu’à la Réforme : il trace un tableau non-seulement des différentes écoles (de Hobbes à Filmer) mais des différents partis (depuis celui de l’Église anglicane, absolutiste, jusqu’à celui des niveleurs républicains). Il a dépouillé les nombreux traités ou pamphlets publiés soit en Angleterre soit en Hollande sur la question de la tolérance ; et c’est seulement après avoir résumé les idées qu’ils expriment, qu’il commence l’exposé des théories de Locke. Cet exposé (et l’on pourrait faire la même remarque à propos des chapitres très complets où M. Bastide raconte le destin des idées de Locke en Angleterre) ne révèle rien de très nouveau. Mais ce qui est neuf, dans ce livre, c’est l’effort tenté pour replacer Locke dans son milieu politique. À vrai dire, ce qu’a voulu faire M. Bastide, c’est moins une étude de Locke qu’une étude de la politique religieuse de son temps. Locke est choisi comme sujet de cette thèse parce qu’ « il est l’homme qui représente le plus complètement cette époque ». Aussi l’auteur a-t-il dû le rattacher très étroitement à l’Angleterre de la Restauration et de la seconde Révolution. Il en résulte qu’il a vu en lui moins le philosophe que l’homme d’action. L’Essai sur l’entendement lui-même, aux yeux de M. Bastide, avait un but utilitaire. — Cette interprétation n’est pas inexacte. Peut-être M. Bastide tombe-t-il dans quelque excès : son plan l’obligeait à négliger l’Essai sur l’Entendement (une allusion à l’histoire de cet ouvrage, p. 51, est même inexacte : M. Bastide semblant dire qu’en 1677 Locke « complétait » l’Essai) ; il l’obligeait par suite, à négliger le mouvement philosophique auquel ce livre appartient, les précurseurs et les adversaires de Locke dans le domaine purement spéculatif. D’autre part, M. Bastide exagère l’influence de certains hommes politiques : il va jusqu’à dire que tel ouvrage de Locke reflète les idées de Shaftesbury : cet homme d’État aurait-il donc trouvé dans le philosophe un flatteur plutôt qu’un conseiller ? Il n’en est pas moins vrai que nous sommes trop disposés, en France, à ne voir en Locke qu’un adversaire — ou un demi-disciple — de Descartes, l’auteur de l’Essai sur l’Entendement. Si important que soit cet ouvrage, il n’est, dans la vie de Locke, qu’un épisode, tandis que cette vie a été remplie par des préoccupations politiques et religieuses. M. Bastide a bien fait de nous le rappeler.
La philosophie de Sully Prudhomme, par Camille Hémon, avec préface de M. Sully Prudhomme, 1 vol, in-8 de 464 p. Paris, Alcan, 1907. — Deux parties, d’intérêt très inégal, dans ce gros livre. La première, analyse fort abstraite de la pensée logique, scientifique et métaphysique de M. Sully Prudhomme, se recommande par la conscience et par la précision des détails ; mais la méthode exclusivement dogmatique que M. Hémon y emploie n’est pas très propre à mettre en valeur l’originalité de son auteur. M. Sully Prudhomme écrit dans sa préface que ses idées philosophiques « ne constituent pas un système, un ensemble qui permette de concevoir la raison d’être, la cause et l’évolution de l’univers pour un être qui pense et qui sent », que son enquête « est purement psychologique » (p. XIX) ; et il faut voir là, à n’en pas douter, un demi désaveu des efforts accomplis par M. Hémon pour constituer avec les eléments de sa pensée une doctrine abstraite. Cette doctrine existe sans doute ; mais elle ne se dégage pas clairement, dans son unité et dans ses articulations essentielles, de l’étude de M. Hémon. Aussi bien la valeur de la pensée de M. Sully Prudhomme ne doit-elle pas être tant cherchée dans la nouveauté des problèmes et l’originalité des solutions, ni dans l’unité achevée de la systématisation, que dans la rare qualité d’âme du penseur. M. Sully Prudhomme est le plus philosophe de nos poètes, mais il reste toujours poète. Il a vécu avec une sincérité profonde et une rare richesse d’émotions les conflits d’idées et de sentiments de son temps ; il en est à ce titre un des personnages les plus représentatifs : là