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légitimement que dans le christianisme, ou protestantisme libéral, « dilution du christianisme, présentant l’avantage, — inappréciable pour les hommes de raison et de sentiment — de réduire au minimum l’irrationnel sans se confondre entièrement avec la philosophie » (p. 202). – Quant au catholicisme, c’est un « cadavre » (p. 201), une « ruine » (p. 201), à laquelle sont peut-être excusables de rester attachés les naïfs ou les politiques soucieux de maintenir l’ordre social ; mais les « personnes intelligentes » ne peuvent y croire ; elles le feignent seulement, pour des motifs peu avouables : « faiblesse », « calcul » ou « ostentation », et « on ne peut éprouver pour elles « que du mépris » (p. 202).

Peut-être cette exécution paraîtra-t-elle un peu sommaire et superficielle à tous ceux qui sont au courant du mouvement catholique contemporain, mouvement étudié jadis dans la présente revue par M. G. Sorel, et tout récemment par M. Wilbois ; – mouvement qui attire l’attention de la plupart des intelligences de notre temps : M. Stapfer n’en parle point. Un pareil manque de documentation est véritablement déconcertant. Que penserait M. Stapfer d’une étude sur la pensée protestante où l’on ignorerait jusqu’à l’existence des Sabatier, des Réville et des Harnack ?

L’art et l’enfant. Essai sur l’éducation esthétique, par Marcel Braunschvig. 1 vol. in-12 de xvi-400 p., Paris, H. Didier, 1907. – Le problème que pose M. Braunschvig, est, en même temps qu’un problème pédagogique, un problème social. On ne peut pas songer à faire l’éducation artistique de la démocratie, si l’on n’a d’abord terminé celle de l’enfant. C’est à l’école, dès le plus jeune âge, qu’elle doit commencer, sous peine d’être vouée à l’insuccès. Il ne s’agit, bien entendu, nullement de former des artistes ou des esthètes, mais simplement des hommes de goût.

Le principal écueil dont devra se garder cet enseignement de la beauté, c’est d’être théorique. C’est lentement et comme inconsciemment que les jeunes esprits seront initiés au culte de l’art ; et à vrai dire il s’agit là moins d’un enseignement que de suggestions appropriées. D’abord, on s’efforcera de placer l’enfant, dès sa naissance, dans un milieu artistique. C’est au contact perpétuel des belles choses que son goût se formera : « Si tout dans son entourage lui parle un langage de beauté, sans doctes leçons de ses maîtres, sans efforts pénibles de sa part, insensiblement se fera son éducation esthétique ». Il faudra donc, d’abord, que la maison, l’école, et même, s’il est possible, la ville et la campagne lui offrent des spectacles capables d’éveiller et de faire naître en lui la curiosité artistique. Cette éducation par le milieu devra être complétée par l’étude des arts. On cherchera à développer, par des exercices méthodiques, les sens et les facultés esthétiques de l’enfant. Le dessin, la musique, la poésie, devront se rendre accessibles à l’intelligence enfantine, et contribueront à la formation de son goût.

Le difficile n’est pas de poser des principes, mais de les appliquer dans le détail. L’on peut dire que M. Braunschvig y a, dans une large mesure, bien réussi. Son livre est plein de vues très fines, de remarques ingénieuses, d’aperçus nouveaux. Il montre surtout un grand sens pratique, ce dont on ne saurait trop le féliciter : c’est ainsi qu’on y trouve, avec une bibliographie sommaire des collections et des ouvrages d’art, un projet de bibliothèque enfantine. Peut-être pourrait-on regretter parfois que M. Braunschvig, comme du reste tant de pédagogues à l’heure actuelle, abuse de la méthode dialectique qui consiste à déduire a priori et abstraitement l’excellence ou la fausseté d’une méthode des facultés supposées de l’enfant. Nous croyons, dit-il, que telle méthode de dessin sera d’un grand profit. Il est à craindre que cette autre ne donne de mauvais résultats. Sans doute. Mais comme d’autres pédagogues craignent pour la première et croient la seconde, il semble qu’il n’y ait qu’un moyen de les départager et que ce moyen, ce soit le recours à l’expérience. Et l’on peut regretter, qu’en une matière de fait comme celle-ci, on n’y fasse pas plus souvent appel. — Mais insister sur cette critique serait oublier que ce livre est bien moins un travail de recherches qu’un livre d’action, et, à ce point de vue, on ne peut que le louer sans réserve. Nous n’avons qu’un souhait à ajouter à ceux que forme M. Braunschvig : c’est que son livre soit beaucoup lu par ceux qui ont charge de l’éducation des enfants, les parents et les maîtres, auxquels il est destiné.

L’éducation d’après Platon, par Gustave Dante. 1 vol. in-8 de xxi-229 p., Paris, Alcan, 1907. — M. Dantu a réuni et commenté dans ce volume, les principaux textes de Platon qui touchent à l’éducation. Mais, parce que l’éducation implique une théorie des sciences et une politique, M. Dantu nous donne son avis sur les doctrines du langage, de la musique, de la science, de l’âme de Dieu, de la cité, etc., dans l’œuvre de Platon. En sorte qu’il lui