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valeurs et d’instituer des normes. Il établit sans peine que le postulat sur lequel se fonde le biologisme, est exactement inverse de celui qui fonde la biologie. Ici l’on fait volontairement abstraction de tout concept de valeur. Là au contraire on fait bon marché de la distinction des concepts de nature et des concepts de valeur, distinction en dehors de laquelle une science objective est impossible. La vie en tant que telle ne peut être regardée comme une valeur. Si la vie n’est pas le concept biologique de vie, qu’est-elle, sinon un pur indéterminé ? Rickert passe successivement en revue l’ordre logique, l’ordre esthétique, l’ordre éthico-social et l’ordre religieux, et s’applique à montrer que nulle part ce n’est la vie qui est le critère de la valeur ; au contraire la vie reste par elle-même un bien conditionnel, et ne peut prendre une valeur qu’en tant qu’elle rend possible la réalisation d’autres biens qui, eux, valent inconditionnellement.

Wjatscheslaw Ivanow, dans un article sur Tolstoï et la Culture (pp. 179-191), cherche à montrer que Tolstoï représente dans le développement de la pensée contemporaine ce moment proprement socratique où, par delà tout relativisme scientifique, toute représentation esthétique ou romantique de la vie, s’affirme l’identité de l’être et du vrai au sein d’une unité absolument simple, qui refoule dans le non-être tout ce qui dans le monde de la culture ne vaut que d’une manière conditionnelle et subordonnée.

Sesemann. — Das Rationale und das Irrationale im System der Philosophie (pp. 208-241

L’auteur s’applique à montrer comment, du point de vue de ce qu’il appelle le problématisme kantien, l’irrationnel intervient comme moment nécessaire dans toute construction philosophique orientée vers la systématisation. L’irrationnel n’est pas en effet l’a-rationnel ; c’est le rationnel idéal, le rationnel d’ordre supérieur (p. 219). L’irrationnel est cette idée de l’unité rationnelle systématique qui est comme le ressort dialectique grâce auquel la connaissance peut progresser vers la totalité. En face du contenu fini des formes et des méthodes rationnelles de la connaissance positive, se dresse le donné (Gegebenheit), irrationnel et infini, de la réalité ; et, comme cette sphère du donné se révèle dans une certaine mesure indépendante de ces formes et de ces méthodes, l’empirisme est dans une certaine mesure fondé. Le dualisme du donné irrationnel et de la rationalité pure coïncide en somme avec celui de l’expérience et de la pensée pure.

Eug. Kuhnemann (pp. 265-302) consacre un important, article aux rapports de Herder avec Kant et Gœthe.

Broder Christiansen (pp. 302-316), dans une courte étude, cherche à définir le phénomène esthétique élémentaire, qu’il croit trouver dans un certain rythme de tension et de détente. Il ne s’agit pas d’ailleurs pour lui de rendre raison de la normativité esthétique, mais seulement de déterminer les conditions de fait sous lesquelles seules un jugement de valeur est possible dans l’ordre esthétique.

Leopold Ziegler présente un exposé détaillé (pp. 316-349) de la déduction des concepts de l’expérience chez Avenarius. Il relève justement ce qu’elle présente d’artificiel ; c’est ainsi qu’il fait observer avec raison que la variation des positions d’existence au cours de l’histoire, bien loin d’être fonction, comme le croit Avenarius, du rythme général de la vie, a déterminé au contraire des oscillations dans ce rythme même. Il démontre d’ailleurs sans peine qu’il n’y a entre les phases d’un processus cognitif et les phases du rythme vital qu’un parallélisme purement analogique, et rien de plus. Il critique le positivisme simpliste d’Avenarius, qui s’épuise dans l’idée que la connaissance est la réduction de l’inconnu au connu, et qui trouve son couronnement dans une théorie de la vérité contradictoire et confuse.

L’étude s’achève par un examen de la théorie avenarienne de l’introjection. Ziegler montre ingénieusement comment elle rejoint le bergsonisme et s’accorde avec lui pour placer le corps dans la conscience. Ici et là il s’agit, comme le dit bien Ziegler, dans le langage d’Àvenarius, de « renoncer à une localisation spatiale d’un monde subjectif de perception dans le système central des individus percevants ».

THÈSES DE DOCTORAT

Maine de Biran critique et disciple de Pascal, par M. , l’abbé de Lavalette-Monbrun.

M. de Lavalette-Monbrun — De tous les théâtres, l’âme humaine est le seul où l’intérêt du drame qui se joue ne faiblisse jamais. C’est que le fond du drame est la destinée humaine. A contempler l’âme d’un Maine de Biran ou d’un Pascal, on saisit la dépendance de l’actuel au perpétuel. Le Journal intime, les Pensées, deux hommes, deux âmes.