vention, où tout le monde s’entraîne et se suggestionne mutuellement », où « l’homme le plus intelligent devient grotesque ». L’art oratoire a sa vraie place au cirque, où il se réfugiera d’ailleurs dans un avenir prochain. La femme est plus bavarde que l’homme, parce qu’elle est plus souvent hystérique (hystérie et verbomanie sont bien près l’un de l’autre), et elle est d’autant plus bavarde qu’elle est plus laide. La verbomanie est chez les peuples soit un signe de non-maturité, soit un symptôme de décadence. Elle est responsable de bien des crimes. « C’est la verbomanie subjective qui a fait échouer la dernière révolution russe. » « La verbomanie est une maladie sociale, maladie qui progresse avec les générations successives jusqu’au jour où la stérilité mentale éteint la famille, la société, la nation. »
M. Ossip-Lourié, qui est, lui, un homme d’action, exige, pour guérir cette plaie sociale, des mesures énergiques : il ne va pas jusqu’à demander la prison pour les verbomanes, mais il réclame leur internement à l’asile, internement temporaire, pour les plus dangereux ; aux petits parleurs, on se contentera d’imposer un séjour dans un couvent laïque, organisé à cet effet. Ainsi peut-on espérer qu’ils arriveront à pratiquer la maxime du penseur latin : Vel taceas, vel meliora dic silentio.
Les Sciences psychologiques, leurs méthodes, leurs applications, par Raymond Meunier. 1 vol. in-12, de 180 p., Paris, Bloud, 1912. — L’auteur se propose de suivre « l’évolution de la psychologie, jadis sous-titre de la métaphysique et de la logique, vers les sciences psychologiques couvrant un domaine à la fois vaste et précis, et de toutes parts entouré, s’il est permis d’employer une insuffisante comparaison, par l’infini firmament de la métaphysique ». Il étudie donc successivement l’objet de la psychologie, les sciences psychologiques, les méthodes, les conséquences et les applications de la psychologie. La psychologie est pour lui la science qui « étudie l’ensemble des actions et réactions mentales d’un organisme placé dans un milieu donné. Son domaine est celui de toute mentalité, statique et dynamique ».
Les spécialistes ne trouveront pas grand profit à retirer de cet ouvrage de vulgarisation, fort imparfaitement documenté, et les non-spécialistes se feraient une idée bien fausse des problèmes qu’il prétend exposer, s’ils s’en tenaient aux résumes très nus, arides, et souvent fort inexacts que leur donne M. Meunier. Qu’ils ne s’imaginent pas, par exemple, que tout l’effort de la psychologie pathologique s’est résumé dans l’observation d’un monstre sans cerveau et d’un phénomène de chez Barnum, comme il semblerait d’après le chapitre iv de ce volume. On peut juger, d’autre part, par les quelques extraits que nous citons plus haut, de la langue dans laquelle écrit M. Meunier.
Les Sentiments généreux, par A. Cartault. 1 vol. in-8, de 314 p., Paris, Alcan, 1912. — Ce livre n’est pas de notre temps ; il a les qualités et les défauts, les insuffisances et le genre d’agrément des livres du temps passé. C’est une étude de psychologie descriptive ; nulle référence, nulle bibliographie, pas même une note ; on n’y a voulu faire ni science, ni théorie ; on n’y soulève pas de problèmes : même dans les deux chapitres qui forment un bon tiers du volume
et où sont étudiés les rapports des sentiments
généreux avec l’intelligence, ce
n’est ni une théorie intellectualiste, ni
un rationalisme utilitaire qui se trouvent
exposés ou critiqués; on montre simplement
le rôle que joue l’intelligence, l’appui
qu’elle prête à la bonté, au sentiment
du beau, etc. Il ne faut demander à un
livre que ce qu’il prétend donner. On
peut s’étonner pourtant de cette réserve;
les psychologues de profession ne le
liront pas. Car les descriptions mêmes
sont moins orientées par le souci
d’aboutir à une psychologie individuelle,
de classer des caractères, que de dessiner
des traits généraux, de raconter ce
qui normalement se passe, de présenter
des sentiments ou des rapports types.
Mais par là même le livre, s’il n’est pas
un livre de science, parait assez bien fait
pour l’enseignement, et c’est sans doute
le but que l’auteur a visé. Quiconque,
par métier ou par goût, a à analyser des
sentiments, le professeur, l’avocat, le
lettré, y trouveront une série d’analyses
simples, mais fines, assez nuancées, a
l’ancienne mode qui, après tout, n’était
pas toujours la mauvaise, de ces analyses
qu’exigent la moralité et la
réflexion quotidiennes, dès qu’elles se
recueillent un peu. Ce n’est pas œuvre
inutile, quand le ton y est, et aussi le
tour, comme c’est le cas ici, un tour
aisé, agréable, simple et juste. Il vient
en lisant ce livre l’idée qu’il eût gagné
sans doute à être écrit sous forme
d’essais ou de pensées plutôt que suivant
le plan d’un livre de psychologie méthodique
on ne chercherait pas alors à
lui demander et à regretter ce
qu’il ne donne pas, et il s’en trouverait