clut. Il ne vient point, de la part du théologien, du moraliste, du politicien, de l’hygiéniste… proclamer ce que devrait être d’après eux l’éducation ; il se borne à les observer à l’œuvre… et à chercher quels principes communs les conduisent. L’originalité du travail de M. Cellérier est, avant tout, dan l’effort vigoureux qu’il a fait pour séparer rigoureusement, d’une part ce qui est de la science et ce qui est de l’art, d’autre part ce qui procède du réel et ce qui appartient à l’idéal. La science pédagogique n’est pas pour M. Cellérier une science « normative » : en effet, l’idéal en éducation, conception d’une civilisation et d’une époque données, n’est pas immuable, mais essentiellement variable ; il ne peut donc être objet de science (p. viii) ; la nature, au contraire, est constante, et l’observation des faits qu’elle présente permet de dégager des lois ; la science de l’éducation tiendra compte de l’élément normatif, mais celui-ci ne la constituera pas (p. ix). L’éducation se crée par l’expérience, se fonde sur la coutume (p. 2) : la méthode est l’œuvre des hommes d’action, qui l’appliquent sans même s’en apercevoir ; l’art est l’ensemble des efforts qui tendent à une fin unique : ils sont réglés par des préceptes. La science d’un art est l’ensemble des lois qui se dégagent des préceptes de cet art. Les auteurs ont fondé des préceptes sur des théories tandis que la théorie doit être tirée des préceptes et ceux-ci de la nature (p. 3). Les préceptes sont la réalité : ils sont fonction du temps, de l’espace, du maître, de l’élève ;… ils forment l’art éducatif ; les principes ne sont fonction d’aucun de ces facteurs, ils ne varient pas, ils constituent l’élément permanent qui se retrouve dans chaque opération pédagogique et la caractérise comme telle ; ils doivent être vrais de tous les préceptes, de toutes les éducations. La science pédagogique part du donné (p. 33) elle est le guide indispensable de tout art pédagogique ; c’est elle qui permet de prévoir, dans une certaine mesure, quels seront, à conditions égales, les résultats de telle méthode, de tel procédé d’éducation ; elle cherche si et comment on peut enseigner à vouloir, si et comment on peut enseigner la notion du bien. Elle utilise largement les résultats de la psychologie qui est pour elle ce que sont pour la médecine l’anatomie et la physiologie : aussi trouvera-t-on dans le livre de M. Cellérier le résumé très bref et simple, mais très clair, d’un cours de psychologie.
L’éducation est un facteur du phénomène général de l’évolution : c’est l’intervention volontaire des parents dans l’évolution des tendances psychologiques de l’enfant et dans leur adaptation du milieu ambiant (p. 12). Plus précisément, — et c’est là une définition « tirée de la nature », et que M. Cellérier oppose aux définitions a priori — c’est la préparation de l’enfant à la destinée que ses parents estiment la meilleure pour lui : elle comprend la conception d’une destinée, le choix de cette destinée, la préparation à cette destinée (p. 25). La pédagogie a à compter avec trois facteurs : le sujet, le milieu, l’éducateur.
Ceci posé, M. Cellérier aborde la première partie de son exposé, consacrée à l’étude des trois facteurs de l’éducation ; la deuxième, s’appuyant sur les résultats de la première, en inférera l’action et les effets de l’éducation. — Il étudie en premier lieu le sujet, et fait à son propos d’intéressantes remarques psychologiques sur l’habitude, la mémoire, etc. — Puis il passe au milieu : la famille, l’école, le niveau social, la nationalité en sont les quatre grands facteurs ; M. Cellérier distingue le milieu « général » et le milieu « spécial », et il pose le principe d’insertion, d’après lequel « tout enseignement doit tenir compte, non seulement de l’adaptation au milieu général, mais aussi, dans la mesure possible, du milieu spécial » ; il considère ce principe comme une des lois qui représentent l’immuable au travers de la variété des préceptes dans l’éducation, l’unité dans la pluralité (p. 155). M. Cellérier en finit avec l’étude du milieu par cette question : l’éducation a-t-elle pour fin l’élève isolé ou la société ? L’éducateur n’a d’obligation qu’envers l’enfant dont il se charge, — telle est sa réponse très individualiste ; la mission de l’éducateur ne crée pas pour lui de devoirs spéciaux envers la société, de devoirs ayant le pas sur les intérêts de l’enfant ; l’éducateur n’est pas un mandataire social (p. 157) ; « s’il enseigne la morale, c’est par devoir pédagogique, non par devoir social » : en enseignant les devoirs sociaux, il agit dans l’intérêt de l’enfant, non dans celui de la société ; l’éducation vise l’élève et non la société (p. 158). Enfin M. Cellérier passe à l’éducateur : il appelle d’ailleurs de ce nom, outre le père ou le maître d’école, toute personne qui intervient intentionnellement dans l’éducation d’un enfant, à quelque titre que ce soit (p. 160) ; l’éducateur agit par sa personne, les détails de son physique, l’influence de son moral, la conduite, la tenue, les manières, et cette chose indéfinissable, l’« autorité ».
La deuxième partie de l’ouvrage, inti-