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mann remarque d’abord combien sont incertains nos jugements sur l’autorité et la valeur critique des historiens anciens : en ce qui touche les historiens grecs, on trouve chez des savants aussi sérieux que Wilamowitz, Unger, etc., les appréciations les plus contradictoires. Pour les historiens latins, les hésitations ne sont pas moins grandes. Parfois, notamment, on représente Tacite comme un adversaire de l’histoire rationaliste de Polybe ; or, Tacite est un partisan résolu des explications causales et, en conséquence, il professe le déterminisme (p. 10), Cependant, il fait très grande la part du hasard, de l’aveugle nécessité (p. 12) et c’est même là ce qui donne à son histoire le caractère tragique par lequel elle nous frappe. Souvent,










tout comme les historiens modernes, il distingue les deux éléments, nécessité et hasard. L’intérêt éclate par le conflit entre les forces aveugles du destin et la volonté consciente des individus. Par là Tacite est proche des historiens rationalistes, Plutarque et Potybe. L’histoire si mouvementée de la Rome impériale lui offre à foison des illustrations pour sa théorie gênêrale(p. 11-18). Rien n’est plus éloigné des croyances traditionnelles des Romains qu’une pareille conception (p. 19) rien de plus proche, au contraire, de la. pensée scientifique des Grecs —pour tes Grecs, les dieux eux-mêmes se soumettent au destin irrésistible. Même, on trouve dans les Annules et déjà dans les Histoires, une critique pénétrante de ta Religion populaire Tacite n’admet pas le miracle (p. 22-2S) ii raille la prétendue colère des dieux, il s’efforce de raconter les faits d’une manière objective. Toutefois, dans des textes nombreux. Tacite utilise les formules traditionnelles : il ne faut pas prendre ces formules trop au sérieux (p. 29-31) ; ce sont des concessions au goût du public, ou des ornements littéraires, Il ne faut pas oublier non plus que Tacite, haut dignitaire, membre d’un des collèges religieux les plus respectés, est obligé, par sa situation même, à quelques ménagements (p. 33),

Enfin, Tacite a un sentiment trop vif de lïneertitiidedes explications humaines, pour souvent— se permettre de discuter l’interprétation de faits’tenus pour merveilleux par l’opinion commune (p. 41). Souvent, entre le rationalisme strict et la crédulité, il hésite, et finalement ne prend point parti (p. 42) ; sur la nécessité, sur le hasard, les assertions de Tacite sont confuses et contradictoires (-ii-53). Le problème de la liberté humaine qu’il est obligé de poser, maigre lui, complique encore là question et exclut toute solution nette (p., 86). C’est pourquoi on aurait tort de parler. d’une philosophie de Tacite (p. 63k On trouve, dans son œuvre, un chaos d’opinions contradictoires, dont aucune n’arrive a s’imposer et à dominer. Aussi bien, Tacite aperçoit trop bien la complication des faits, pour se hasarder à les grouper tous sous un même principe d’explication (p. 64-68). Il n’a même pas su ou voulu suivre, de manière méthodique, l’enchaînement des causas (p. 67) et l’on ne trouve pas chez lui la claire conscience scientifique qui caractérise quelques-uns des historiens grecs (p. 11). Cependant, an regard de la décadence intellectuelle qui marque l’avènement du christianisme, Tacite conserve quelque chose de la haute raison qui honore les savants antiques (p. 88). Le besoin de soumission intellectuelle qui atteint même Plutarque ne l’a pas courbé (p. 89). Ainsi, son œuvré, œuvre de transition entre deux époques, reste comme un monument historique de premier ordre.

Die’Geschichtsphilosophie Auguste Comtes kritisoh dargestellt,

par Georges Mehus. 1 vol. in-8 de..188 p., Leipzig, Fritz Eckardt, 10Ô9. – A côté de la Sociologie existe chez Auguste Comte, selon M. Mehlis, toute une philosophie de l’histoire dont une étude largement synthétique peut dégager les traits généraux, en opérant au besoin des rapprochements avec les grands penseurs allemands du début du six." siècle. Seul, en effet, un examen superficiel peut faire croire qu’il existe un abîme entre Comte, d’une part, et, d’autre part, Fichte, Schellinget Hegel. Ce n’est pas seulement le fond romantique qui est commun au positivisme et à l’idéalisme allemand, mais encore la structure logique elle-même.

A vrai dire la lecture de l’ouvrage ne nous a pas pleinement convaincu. Le travail de M. Mehlis est divisé en cinq parties. L’auteur définit d’abord le positivisme dogmatique de Comte, qui fournit les bases de la Sociologie historique, 1 ! montre bien que Comte ne s’est jamais préoccupé de faire une critique rigoureuse de la métaphysique, mais simplement de proclamer sa déchéance au nom de révolution historique. Mais précisément pour cette raison, il parait difficile d’admettre que Comte ait posé le problème critique dans des termes presque semblables a ceux de liant et difficile de lui faire un grief de n’avoir pas édifié lui-même une e théorie de la connaissance.

Dans la seconde partie, l’auteur se demande dans quelle mesure Comte peut être considéré comme romantique. Il nous parait difficile de donner une défi-