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à la vie physique ou à la vie mentale d’autrui » (p. 123) ; « Ne mettons jamais en compte la satisfaction d’humilier un ennemi ; car alors nous serions guidés par un sentiment assez inférieur et susceptible de nous égarer ». Toutes ces idées, et beaucoup d’autres, également utiles à méditer, sont ainsi présentées sans art ; et il faut le regretter, surtout dans un ouvrage de ce genre, où il semble que les idées devraient piquer comme des flèches. Du moins le ton est familier, les anecdotes sont tirées de l’expérience commune, et les questions sont traitées par la méthode directe, sans appareil scolastique. Ceux qui ont à enseigner la morale auront profit à lire ces pages ; ils renouvelleront ainsi leur provision d’exemples.

Terminons par une critique qui ne peut que plaire à notre auteur, car elle est selon l’esprit de son livre. Il nous rappelle (p. 28) comme une vérité incontestable que Pasteur « montra que tout être venait d’un germe ». Il est pourtant assez clair qu’il n’y a pas d’expérience au monde qui puisse conduire à une conclusion pareille. Pasteur a montré que, dans tous les cas que l’on alléguait en faveur de la génération spontanée, l’apparition de petits animaux était liée à la présence de germes. Cela ne doit pas conduire un esprit juste à conclure que tout vivant vient d’un germe. Le docteur Toulouse aurait dû exercer sa critique sur cette erreur, qui se pare d’un nom illustre, et que l’on trouve un peu partout, notamment dans les manuels destinés aux écoliers.

La Philosophie moderne, par A. Rey ; l vol. in-16 de i-372 p., Paris, Flammarion, 1908. — Nous n’analyserons pas l’ouvrage de M. Rey ; ce serait résumer un résumé déjà très bref, puisque aussi bien il passe en revue toutes les grandes questions philosophiques de l’heure présente : nombre et étendue, matière, vie, esprit, morale, vérité. Nous tâcherons seulement de le caractériser et d’en indiquer l’intérêt. C’est un livre pour les « honnêtes gens » plus que pour les philosophes : d’où une de ses qualités, une extrême clarté et une très grande simplicité, qui paraîtra à certains un défaut, parce qu’elle implique le sacrifice des détails, souvent aussi intéressants que les grandes lignes : ne faut-il pas regretter, en faisant exception pour le chapitre sur la physique générale, le caractère souvent trop superficiel des analyses ? C’est un livre d’actualité ; il néglige les lointaines traditions philosophiques et expose les problèmes, tels que les discutent les penseurs actuels, savants et philosophes : d’où la place accordée aux thèses énergétiste, néovitaliste, pragmatiste, etc. Il est objectif, en tant que l’auteur ne construit pas son système pour notre édification, mais cherche à exposer sincèrement et aussi impartialement qu’il le peut les différentes thèses en présence, en ce sens aussi qu’il s’efforce de distinguer les résultats solidement acquis, les anticipations et les généralisations hypothétiques, les espérances qui ne sont encore que des espérances. Mais il n’en est pas moins personnel en tant que l’auteur n’est pas le simple historiographe des pensées d’autrui, mais a ses préférences, son système. Et, à vrai dire, c’est ce système même qui lui permet de juger de la valeur différente des thèses et des idées, sans tomber dans la subjectivité. La règle de nos jugements, c’est l’expérience, qui est le fondement de notre connaissance et qui se suffit à elle-même. « La raison n’est que l’effort constant de l’esprit pour s’adapter à l’expérience et la connaître toujours plus a fond ». Et l’expérience, « c’est d’abord et immédiatement l’ensemble de nos sensations », ce sont les multiples relations, les lois, que la pensée découvre dans l’analyse même de ce complexus de sensations, et dont l’étude constitue les sciences particulières. L’expérience n’a pas à se justifier parce qu’elle est toute la réalité, parce qu’elle « est ». Ainsi se restaure un nouveau positivisme, moins ambitieux que l’ancien, parce qu’il ne croit pas encore posséder la synthèse totale, et plus solide parce que plus sage et plus scientifique.

Essais sur la connaissance, par George Fonsegrive, 1 vol. in-12 de 27 p., Paris, Lecoffre, J. Gabalda et Cie, 1909. — M. Fonsegrive a réuni dans ce petit volume plusieurs études, parues à des dates très différentes, qui ont pour objet commun la nature, les limites et la portée de notre connaissance, scientifique et métaphysique. Ce livre est un livre d’apologétique, à deux points de vue : d’abord d’apologétique personnelle, ce livre est un plaidoyer de M. Fonsegrive pro domo contre ceux qui l’ont « accusé » d’agnosticisme, de subjectivisme, d’évolutionnisme, de kantisme ; puis d’apologétique religieuse, catholique, thomiste : « Le Kantisme est mort, l’Aristotétisme demeure le vrai » (p. 130), un chapitre sur l’Inconnaissable dans la philosophie moderne se clôt sur ces paroles édifiantes : « Il y a quelque part dans l’ombre et l’infini silence une force qui agit et une tendresse qui veille » (p. 28). Le livre de M. Fonsegrive est un écho des controverses catholiques sur le kantisme : on