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M. Nelson nie ensuite la possibilité d’une preuve transcendentale ; il prend E. Marcus en flagrant délit de substitution de problème, l’enferme en un cercle vicieux, le place dans l’alternative d’une pétition de principes ou d’un recours à l’empirisme, dénonce l’ambiguïté de l’expression « l’impossibilité de l’expérience » ; et, passant à Meinong, n’a pas de peine à montrer l’insuffisance du critère d’évidence.

Simmel et sa théorie de l’utilité biologique comme critérium suscitent l’emploi par M. Nelson de tout son attirail dialectique ; l’impossibilité d’unir en une théorie de la connaissance les idées d’utilité et de vérité est prouvée par de fréquents appels au procès du fini et la découverte de contradictions verbales ; les mêmes procédés servent à réfuter Rickert et à repousser sa théorie du devoir « transcendant ».

La seconde partie de l’ouvrage traite du problème de la critique de la raison. — C’est ici que nous pouvons trouver le contenu positif et dogmatique du volume ; et il faut reconnaître qu’il n’est ni très neuf ni très convaincant.

M. Nelson admet qu’en dehors de la connaissance immédiate par réduction et de la connaissance réflexive par jugement, nous possédons une connaissance immédiate de pure raison. Or c’est une connaissance qui contient en dernière analyse le fondement des jugements métaphysiques.

Une critique de la raison est donc possible et même nécessaire, mais il faut l’entendre ici dans un sens tout nouveau, elle est la science qui a pour objet cette connaissance immédiate. Cette dernière en effet n’est pas immédiatement consciente, et c’est la critique de la raison, procédant d’une manière théorético-psychologique, qui nous conduira jusqu’à elle.

Mais afin qu’on ne puisse l’accuser ici de fonder sur des données de fait des principes a priori, M. Nelson distingue entre l’action de fonder et le fondement lui-même, entre la Begründung et le Grund. La critique proposée fonde, sans contenir en elle le fondement qui n’est que son objet, et par cette distinction terminologique M. Nelson pense échapper à tout reproche. De plus, si l’on renonce à une théorie de la connaissance, si l’on, n’exige pas de la critique qu’elle contienne le fondement cherché, psychologisme et transcendentalisme, cessant de s’opposer, se concilient en une théorie qui est précisément celle de M. Nelson.

Par malheur, les idées maîtresses de cette théorie ne sont pas très claires. Quelle est cette raison, dont parle M. Nelson, et qu’il définit à peine ? Quelles sont ces connaissances immédiates qui ont besoin de la réflexion médiate pour devenir conscientes ? Quel est ce procédé théorético-psychologique, différent de la simple description interne, qui doit remplacer toute théorie de la connaissance ? M. Nelson eût été bien inspiré au lieu de chercher noise à Frege, Lipps, Hussert, etc., au lieu de convaincre les psychologistes de transcendentalisme caché, et les transcendentalistes de psychologisme subreptice, de nous renseigner plus abondamment sur la théorie positive qu’il prétend substituer toutes les autres ; et si l’on voit bien a qui il s’oppose, on aperçoit mal ce qu’il pose. Cette extrême réserve n’est pas d’ailleurs dérivée de prudence.

Conformément aux vues de M. Nelson qui estime, dans la préface, que l’objectivité en histoire de la philosophie ne peut être qu’une subjectivité affirmée et déterminée, l’historique du problème succède à l’exposé des vues théoriques. On retrouvera, dans la troisième partie, — l’histoire de la théorie de la connaissance, — les procédés de critique auxquels la première nous a habitués. On s’affligera de les voir employés envers Kant et Fichte ; on déplorera l’abondance des schémas et graphiques dont M. Nelson croit devoir éclaircir ses discussions ; on s’intéressera enfin à un chapitre sur Beneke – p. 291-312 — et à un chapitre sur Fries — p. 313-358.

La conclusion trahit les mêmes indécisions dont nous faisions plus haut mention. M. Nelson repousse le Kantisme et propose une méthode philosophique analogue, par son axiomatisme, à celle des mathématiques. Mais la possibilité de cette analogie ne va pas sans démonstration et c’est ce dont M. Nelson ne semble pas d’être avisé. D’ailleurs, par sa pauvreté même, le contenu positif du présent ouvrage suscite mille questions et mille difficultés. M. Nelson leur trouvera peut-être des réponses et des solutions ; et peut-être alors le volume qui vient d’être analysé y gagnera-t-il une valeur qu’on ne saurait, pour l’instant, lui attribuer. Du moins nous a-t-il donné un excellent exemple de la méthode critique à éviter.

Das Beharren und die Gegensætzlichkeit des Erlebens, von J. Pikler ; 1 broch. de 38 p., extr. de la Zeitschrift für den Ausbau der Entwicklungslehre, Stuttgart, 1908. — Tout corps tend à conserver son état ; tout état d’un corps peut être considéré comme produit par deux forces contraires. Ces principes de