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31 M. Van Biéma. J’ai voulu dire que l’espace et le temps ne sont pas des représentations d’un sujet je me suis mal exprimé. M. Boutroux. Pour l’iunéité dans Leibniz, je ne sais pas si vous l’avez suffisamment expliquée. Il me semble qu’il existe au premier moment des idées distinctes; au second moment, les idées distinctes deviennent idées confuses et. nous avons les virtualités. Elles sont virtualités, parce qu’au fond d’elles il y a des idées distinctes qui tendent à redevenir distinctes. M. Van Biêma. J’ai voulu montrer comment Leibniz ne pouvait être considéré ni comme aprioriste, ni comme apostérioriste. M. Boutroux. En quel sens est-il aprioriste ? M. Van Biéma. Il parle d’habitudes, et de dispositions. M. Boutroux. Mais sous ces habitudes et ces dispositions, il y a des idées distinctes. Pour Kant, vous vous êtes borné aux textes de l’Esthétique et de l’Analytique transceudentales, négligeant la méthodologie et la dialectique. Vous avez rapetissé votre sujet. M. Van Biéma. Il m’avait semblé que dans la question du jugement Kant s’appuyait surtout sur l’impossibilité d’une intuition intellectuelle. M. Boutroux. 11 y a une difficulté soulevée par fa comparaison des textes de l’Esthétique et de l’Analytique, une contradiction apparente entre les deux. Ce n’est pas le même problème qui est traité dans l’Esthétique et dans l’Analytique. Dans l’Esthétique, il est question d’analyser la sensibilité; dans l’Analytique, il s’agit de la combinaison de. l’entendement, et delà sensibilité. Nous avons la synthèse substituée à l’intuition parce qu’il intervient une -autre opération de l’esprit, dont l’intuition n’est que la matière. Vous montrez qu’il y a quelque chose d’inné dans l’intuition. Vous appliquez l’antériorité chronologique au fondement du temps! Mais il n’y a pas encore de temps. Vous parlez ensuite d’une antériorité psychologique, vous rattachant à une thèse de Riehl. Mais vous n’examinez pas la question avec l’ampleur suffisante. En a quel sens le fondement de l’espace et du temps est-il inné chez Kant? L’est-il au sens psychologique? Je ne le crois pas Kant admet une innéité autre que psychologique. Il n’est pas inné dans la conscience empirique, parce qu’au moment du développement de l’esprit il n’y a pas encore de conscience empirique. demander quelle réponse Leibniz avait donné à ces problèmes dans la théorie du temps et ce qui se trouve implicitement contenu dans ses œuvres. Sur l’aprioritè, les problèmes qu’ils se sont posés sont différents. Mais la solution Kantienne suppose la vérité des propositions dégagées par Leibniz. La raison pour’laquelle il faut se défier de la théorie de Leibniz, c’est qu’elle compromet la mathématique. L’idée de nécessité est inséparable de l’idée d’apriorité. 11 reste de la théorie de Leibniz qu’il laut déjà dans l’esprit l’innéité de quelque chose qui rende possible la spatialisation et la tempo ralisation. Sur la question de l’intuitivitc, j’arrive à des résultats moins nets. Il est difficile de distinguer l’espace et le temps intuitions de la forme de l’intuition. J’ai essayé de montrer comment la concepde l’apriorité peut aider à comprendre en une certaine mesure la question de l’intuiti vite. La subjectivité repose sur l’intuilivité. L’intuitivité donne à l’espace et au temps le caractère de quelque chose qui fait partie de nous-mêmes. Kant n’a jamais dit qu’il n’y avait rien qui correspondit à l’espace et au temps dans le monde des choses en soi. La préoccupation qui domine l’exposition de Kant est de garantir la spécificité du monde sensible il ne veut pas que le monde sensible se fonde avec l’intelligible. Leibniz semblerait au premier abord donner une valeur plus grande au corps le corps, c’est déjà de l’esprit en vertu de la continuité. Pour Leibniz, sa façon de comprendre les choses est fondée sur son puissant système métaphysique optimisme, monades et harmonie préétablie ses vues métaphysiques expliquentsaconception de l’espace et du temps. M. Boutroux. Je suis disposé à prendre le système comme vous le proposez, mais je remarque que vous ne cherchez pas à déterminer la genèse des textes, leur formation dans l’esprit de l’auteur. Nous voudrions arriver à une solution de la question posée votre opinion finale, c’est qu’il y a une différence qui subsiste, qu’il y a la deux directions d’esprit qui subsistent encore. Je crois, pour ma part, que les rapports entre les réalités absolues sont pour Leibniz des rapports logiques de ressemblance et de connexion qui deviennent des rapports d’espace et de temps, quand on passe aux phénomènes. C’est quand on passe de l’absolu au relatif qu’on rencontre l’espace et le temps comme transition.