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Töpelmann, 1907. — Il y a encore une apologétique rationnelle, selon l’auteur. La raison moderne, sans dogmatisme hostile ou favorable à la foi, doit se séparer de la religion pour la critiquer. Kant est le maître.

L’auteur rappelle avec précision les principaux résultats de la critique kantienne : les limites tracées à la raison pure, les lois réelles de la pensée, la loi morale, la liberté et la dignité humaine (ch. i).

Dans les trois chapitres qui suivent, l’auteur discute et modifie fortement les idées de Kant, sur les rapports de la raison avec le monde, physique et humain ; sur la morale ; sur l’idée de Dieu.

L’idée directrice suivie par la raison humaine dans son commerce avec le monde est, selon Schleiermacher et l’auteur, que le but dernier de l’humanité en évolution, en tant qu’elle est liée à la nature extérieure, le bien suprême, ne se distingue pas isolé : il est dans la totalité. C’est toute la nature que doit conquérir la raison, pour la faire sienne et l’organiser : tâche nécessaire, tâche de chacun, tâche infinie qui impose à l’humanité la loi du travail, de l’acquisition méthodique (p. 65). Mais « dans le travail, il y a une force d’inertie. Créé par le travail d’une personne ou d’un groupe, le résultat éclaire pour plusieurs générations le chemin à travers le monde » (p. 67), en sorte qu’une masse inerte s’agglomère, entrave souvent l’élan du progrès et parfois pétrifie la communauté. La « Sitte » (p. 71) et la « Gesittung » (p. 73) se fondent sur ces forces conservatrices (ch. ii).

De la « Gesittung » à la « Sittlichkeit » le passage est impossible : « l’Éthique, si elle doit fournir pour l’action des critères inconditionnés, ne tire guère profit de la « Gesittung » (p. 84). Non moins incapable de moralité est l’État : société nécessaire, il préoccupe la morale ; institution positive, matérielle, il est amoral et souvent exclut toute moralité. « Par les progrès de la culture, la moralité décline plus souvent qu’elle ne prospère » (p. 96). Mais le monde intérieur révèle le principe moral, étranger au monde externe : la pensée s’élève au-dessus du cours des choses et se place hors de la série naturelle, où elle appartient par sa propre nature sensible (p. 104). Ceci indique la haute dignité de la personne. De déterminer ces devoirs de dignité, cela n’appartient pas à un monde « suprasensible ».

L’auteur attaque Kant qui veut rejoindre la théorie de la connaissance et la loi morale. Pour l’auteur les devoirs de dignité sont affaire d’expérience ; ils sont à la fois déterminés par l’idée d’une « humanité idéale » et par les réalisations approximatives de cet idéal dans les groupements réels (ch. iii).

La raison peut montrer que l’existence de Dieu n’est pas une affirmation contradictoire : le raisonnement n’aboutit jamais à un jugement d’existence. Mais le conflit de la réalité chaotique et de l’idée claire, le mystère de leur accord ne se résolvent que si l’on « admet » une cause suprême, intelligence et volonté, inconnaissable. L’idée de Dieu est un complément de la raison. La religion et la science ne peuvent se rejoindre ; mais une réalité n’exclut point les autres.

Ce livre, pénétré de kantisme, est d’une dialectique touffue, mais intéressante.

Führende Denker, Wissenschaftlich-gemeinverständlicher Darstellungen, par J. Cohn. 1 vol. in-12 de 118 p. (de la collection des), Leipzig, Teubner, 1907. — « Ce livre n’est pas une introduction à l’histoire de la philosophie, mais à la philosophie par l’histoire » (p. 1). Il se compose de six conférences faites en 1906 à Fribourg. Il s’adresse au grand public. Selon l’auteur, le mieux, pour initier à la philosophie, est d’en « exposer les principales pensées en étroite union avec la vue des grands penseurs. Car ces pensées sont sorties de la méditation des grandes personnalités » (p. 4). Et celles qu’on « pourrait croire lointaines et mortes », l’effort de l’historien est de montrer qu’elles « ont encore un sens profond et vivant » et que leurs auteurs restent des guides de l’humanité (Führende Denker).

Il y en a six, répartis en trois couples, maître et élève : Socrate et Platon, Descartes et Spinoza, Kant et Fichte. Ce sont les inventeurs, ceux qui ont posé les questions et les principes. De chacun l’auteur, en quelques pages brèves, raconte la vie et résume l’œuvre. Kant (Théorie de la connaissance) et Fichte (représentant la philosophie morale de Kant) occupent la moitié du volume. Ce sont des esquisses claires et simples, faites et bien faites pour la vulgarisation.

L’auteur toutefois indique, comme dominante, l’idée générale que « toute philosophie cherche une réponse à la question de la destinée humaine : Que dois-je faire en ce monde énigmatique ? » (p. 4). Cette idée, systématisée à travers les doctrines, rappelle parfois une philosophie de l’histoire, presque la thèse d’une morale immanente, que se révèle à soi-même, par étapes, le devenir d’une pensée impersonnelle. On voudrait plus d’histoire pure.

Philosophische Voraussetzungen des exakten Naturwissenschaften