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Cochin, etc. Et c’est de la psychologie comme on en fait aujourd’hui ; c’est très intéressant ; on y saisit au passage mille nuances d’âme ; pour finir, on ne saurait pas dire quelle question est posée, ni même si une question est posée.

La première thèse touche de plus près à la philosophie ; elle est de métaphysique, et dirigée contre la critique de Kant, dont notre auteur croit, avec raison, saisir l’influence « dissolvante » jusque dans les travaux de l’apologétique contemporaine. La dialectique de notre auteur comporte des travaux d’approche (critique du subjectivisme, valeur de la science, nature du raisonnement démonstratif), et un argument, qui se ramène à la thèse de la première antinomie ; impossibilité d’une série infinie de changements passés. On peut regretter que cet argument soit surchargé de considérations qui lui sont étrangères, sur la contingence des choses et sur l’ordre de l’univers. Des confusions de ce genre se produisent inévitablement toutes les fois que l’on oriente la dialectique vers une croyance : on fait alors flèche de tout bois. Kant a fortement montré comment une même preuve peut se cacher sous des arguments différents, comme s’il s’agissait avant tout d’user les forces de l’adversaire au moyen d’ouvrages avancés. Un travail critique du même genre pourrait être fait ici.

Dans le détail, certaines affirmations pourront étonner le lecteur. Qu’il n’y ait pas de jugements synthétiques, on peut le soutenir ; mais l’exemple des roches polies qui font deviner l’action de l’eau prouve-t-il ici quelque chose (p. 21 ?) Un peu plus loin (p. 26) l’auteur écrit : « Bien que portant toujours sur le noumène, la croyance peut aller jusqu’à la certitude. Qui donc oserait nier pour de bon qu’il a existé un Napoléon ou même un César ? » Noumène désigne un objet qui serait connu par l’entendement seul. Quel sens alors peut-on donner à la phrase qui vient d’être citée ? Les mots ressemblent trop souvent à des pièces de monnaie qui ont trop circulé, et dont l’effigie n’est plus visible.

Les conditions du retour au catholicisme, enquête philosophique et religieuse, par le Dr Marcel Rifaux. 1 vol. in-16 de 426 pp., Paris, Plon, 1907. — Quatre-vingts pages d’introduction, dans lesquelles l’auteur explique le plan de l’enquête auquel il s’est livré, auprès d’un grand nombre de contemporains, sur la crise actuelle du catholicisme. Il n’a interrogé que des catholiques. Beaucoup se sont dérobés. « J’ai beau retourner mon porte-plume dans l’encrier, écrit un évêque dont M. Rifaux nous garantit la piété et l’orthodoxie, il est pour moi évident que, si je traite le sujet tel que je le conçois, je provoquerai un réel scandale. Or je ne crois pas que les évêques aient été institués pour scandaliser leurs fidèles… » (p. 8). Suit (pp. 812)le formulaire : « Cette crise intellectuelle est-elle simplement une crise de laborieuse adaptation, par conséquent transitoire et de l’issue de laquelle le catholicisme peut espérer un surcroît de vie ? Ou bien, au contraire, est-elle une crise d’épuisement de laquelle, humainement parlant, le catholicisme ne saurait se relever ? » — Enfin trente réponses, les unes émanant de conservateurs purs, — M. d’Haussonville ou M. de Lapparent, — les autres émanant des novateurs (v. pp. 310-336 la réponse de M. Êd. Le Roy), qui réclament pour le spiritualiste catholique la liberté de la pensée métaphysique, et voient dans le dogme romain un « symbole », le symbole le plus adéquat, pense-t-il, d’un pur spiritualisme. Dans l’intervalle, tous ceux qui sont perplexes, qui sont nés pour suivre, et ne savent qui ils doivent suivre, les orthodoxes et les audacieux, ni si peut-être ils ne pourraient suivre les uns et les autres à la fois. L’ensemble constitue un important document.

« Arrivé au terme de cette enquête, nous nous sentons, déclare M. Rifaux (p. 76), envahi par une douce quiétude… » Est-elle fondée ? D’abord, cette crise, que M. Rifaux considère comme féconde, est elle aussi universelle qu’il le pense ? Le problème se pose-t-il pour un prêtre bavarois, belge, irlandais, canadien, comme il se pose pour un prêtre français ? Et cette crise française du catholicisme, ne s’explique-t-elle point par des causes dont nous ne méconnaissons pas la gravité, mais qui sont plus sociales encore peut-être qu’intellectuelles ? Ne tient-elle pas à ce qu’en France il manque au catholicisme, plus que dans aucun autre pays catholique, une base populaire ? à ce que la France est un pays où les charbonniers ont perdu la foi ?

L’expression du rythme mental dans la mélodie et dans la parole, par Henri Goujon. 1 vol. in-8 de 315 p., Paris, Henry Paulin et Cie, 1907. — L’objet de cet ouvrage est d’étudier le rythme de la prose. Mais l’auteur n’arrive à ce problème qu’après un long exposé portant sur le rythme en général, sur le rythme logique de la pensée perceptive, sur le rythme logique du sentiment et enfin sur les différents rythmes qui se superposent dans la mélodie. Ces études préliminaires