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l’acte de contraires qualitatifs, ou à l’enchaînement pur et simple de mouvements. Le premier cas, c’est celui de la composition chimique : elle ne nous donne pas la causalité. Pour le second cas, je crois que les contraires agissent ; mais il y a une méprise : en tant qu’ils agissent les uns sur les autres, il y a plus en eux que le caractère de contraires qualitatifs. Pour l’enchaînement des mouvements, il y a un intermédiaire, il y a quelque chose qui est au milieu : c’est une force. Donc nécessité d’une conception dynamiste. Par mécanique, j’entends que la causalité est une détermination qui procède du dehors ; qu’elle n’a rien de commun avec une activité téléologique ; que, dans la mesure où l’idéalisme le permet, elle est un enchaînement réel et non pas idéal ; enfin qu’elle est progressive et non pas analytique. Il faut accepter la causalité pour elle-même et en elle-même. La notion de causalité sera expliquée, dès qu’on l’aura ramenée à son rang. Mais il ne faut pas la réduire. La causalité est pour moi quelque chose de progressif, elle fait marcher le monde en avant. C’est le point principal sur lequel je me sépare d’Aristote.

M. Brochard. Peut-être ne faut-il pas considérer seulement les causes médiates chez Aristote, mais aussi une cause immédiate. Mais c’est surtout sur votre théorie que je voudrais des explications. Vous dites 1° que la cause est antérieure à l’effet ; 2° que la cause n’existe que dans son rapport à l’effet. Par suite, ils sont contemporains. Ou, s’il faut admettre une antériorité, alors la cause existe indépendamment de l’effet.

M. Hamelin. Il n’est pas nécessaire que les deux corrélatifs soient contemporains. Il y a de la succession, et, par suite, de l’antérieur et du postérieur. L’antérieur est antérieur dans l’esprit.

M. Brochard. Cette corrélation de l’antérieur et du postérieur, est-il possible de la concevoir sans quelque finalité ? Vous dites que la cause entraîne l’effet. La cause domine l’effet, soit ; mais vous dîtes aussi que la cause a besoin de l’effet. N’y a-t-il pas là une certaine finalité ?

M. Hamelin. Mais alors tout ressemble à de la finalité dans ma manière de concevoir le supérieur et l’inférieur.

M. Delbos se borne à féliciter chaudement son collègue.

M. Lévy-Bruhl, après de semblables félicitations, lui demande en quel sens la proposition « la sphère est la plus parfaite des figures », est pour Aristote un principe physique.

M. Hamelin. Ce principe est physique, parce que physique est équivalent d’ontologique. Il est physique, en tant qu’il n’est pas mathématique, c’est-à-dire abstrait, physique, parce qu’on part de la substance.


Thèse principale : Essai sur les éléments principaux de la représentation.

M. Boutroux invite le candidat à s’expliquer sur l’esprit qui le guide dans son travail.

M. Hamelin. J’ai commencé par lire Kant ; puis sur les conseils de Marion, j’ai lu Renouvier. Le problème de la philosophie fut pour, moi et resta ce qu’il était pour eux : le problème de la synthèse. J’étais d’accord avec eux contre l’analytisme, tel que Taine le représente ; par exemple je croyais impossible de reconstituer la représentation par une procédure analytique, à moins d’aboutir à l’éléatisme, et d’expliquer le réel par une abstraction vide. Seulement les solutions de Kant et de Renouvier ne me satisfaisaient pas, — et elles me satisfaisaient de moins en moins, à mesure que j’étudiais d’autres philosophies et qu’en particulier je m’appliquais à l’étude d’Aristote. Une synthèse purement empirique était insuffisante. Ce qui se pose, c’est le problème d’une synthèse a priori, qui soulève des difficultés nouvelles. Recourir aux exigences du sujet, c’était recourir à un fait ; d’autre part, je ne voyais pas bien comment faire autrement. Pour M. Renouvier, certains phénomènes sont fonction d’autres phénomènes : on constate ces fonctions. Mais comment expliquer l’accord entre les formes mentales et l’expérience ?

Le recours a un pur fait me satisfaisait donc de moins en moins. Il l’aurait fallu une liaison qui fût et restât une liaison d’idées, et qui cependant fût synthétique. J’avais entendu dire que les post-Kantiens, Fichte et Hegel avaient poursuivi la solution d’un problème analogue et avaient enchaîné les notions les unes aux autres par un rapport autre qu’analytique. Après une lecture trop rapide de Fichte et de Hegel, je reconnus qu’ils avaient bien cherché dans ce sens ; mais Hegel installait la contradiction au cœur même des choses, et il me semblait qu’on aboutissait par cette voie au nihilisme. Je regrettais de sacrifier même les phénomènes, et je doutais que l’esprit de Hegel fût plus réel que le dieu de la théologie négative. Il me fallait trouver un autre moteur : je trouvai, chez Kant et chez Renouvier des indications précieuses. Kant avait découvert que les catégories se