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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE

SUPPLÉMENT

Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.

(N° DE JUILLET 1907)


LIVRES NOUVEAUX

Études sur le Syllogisme, suivies de l’observation de Platner, et d’une Note sur le Philèbe, par J. Lachelier. 1 vol. in-16 de 163 p. Paris, Alcan, 1907. - Il est inutile de résumer ici ces pénétrantes études, que les lecteurs de cette Revue connaissent déjà. Quand on les relit d’une haleine, on est surpris d’y retrouver, en des questions si différentes, la même méthode d’investigation. Qu’il s’agisse des figures et des modes du syllogisme, de la classification des propositions, de la perception des objets étendus, ou d’une interprétation des formules Platoniciennes, c’est toujours la même méthode d’analyse, qui fait adhérer étroitement les principes aux faits. De tels exemples sont rares, et doivent être considères de très près par ceux qui se défient autant d’une dialectique abstraite que d’un empirisme sans idées. C’est ici que l’on comprend bien ce que c’est qu’un fait de Pensée, et comment on peut saisir un fait de Pensée, en déterminant les conditions sans lesquelles il ne serait pas pensable; il faut que la pensée de l’aveugle soit une pensée; il faut que le Platonisme soit une pensée; il faut qu’un syllogisme soit une pensée. Les deux premières études, sur la Logique, sont surtout à recommander aux étudiants; car on s’habitue trop aisément à ne voir dans les syllogismes que des faits de grammaire, et à les transformer, comme font les algébristes pour leurs équations, par les procédés les plus commodes, en oubliant leur rapport à la connaissance réelle. M. Lachelier remonte de cette algèbre logique à la pensée qui la vivifie. Aucun exemple n’est plus propre à faire comprendre quelle différence il y a entre la science du syllogisme et la philosophie du syllogisme.

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L’Évolution créatrice, par Henri Bergson, membre de l’Institut, professeur au Collège de France. 1 vol. in-8 de la Bibliothèque de philosophie contemporaine; 1907, Alcan. - Nous ne ferons ici que signaler l’apparition de ce magistral ouvrage, auquel la Revue consacrera prochainement une étude critique. M. Bergson y jette la base d’un évolutionnisme psychologique qu’il oppose à l’évolutionnisme physique et mécaniste mis à la mode, il y a quarante ans, par Spencer, et tant vulgarisé et exploité depuis. Il appartenait à l’auteur de l’Essai sur les données immédiates de la conscience de présenter le problème de l’évolution de la vie sous les clartés nouvelles résultant de l’analyse de l’idée de temps et de la conception de la durée psychologique ou réelle; c’est bien de lui qu’on était en droit d’attendre une doctrine de la vie complètement affranchie du matérialisme classique, néanmoins conforme aux données actuelles de la science positive, et ne versant jamais dans un « spiritualisme » de mauvais aloi. Les explications de la philosophie évolutionniste ne sont que des reconstructions symboliques, des schèmes figuratifs incomplets et décevants, qui n’expriment ni même ne traduisent exactement le mouvement vital, l’effort d’expansion et d’épanouissement’ d’adaptation et de libération de la vie qui invente et crée à toute heure. C’est que la philosophie évolutionniste a eu le tort d’étendre aux choses de la vie les procédés d’explication qui ont réussi pour la matière brute. C’est aussi que notre pensée, « sous sa forme purement logique, est incapable de se représenter la vraie nature de la vie, la signification profonde du mouvement évolutif ». Il était donc fatal que la philosophie de Spencer, entachée dans ses principes d’une erreur de méthode, aboutît à l’agnosticisme. Mais de ce que l’évolution-