Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 3, 1914.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’a, croyons-nous, guère de précédents, M. l’abbé Laberthonnière s’est vu mis en demeure de renoncer définitivement à écrire. La revue dont il était l’âme disparaissait par là même.

Les Annales de Philosophie chrétienne allaient atteindre bientôt un siècle d’existence. Sous la direction de M. l’abbé Laberthonnière, elles s’étaient placées au premier rang non seulement des revues catholiques, mais encore des publications philosophiques en général. La Revue de Métaphysique et de Morale ne saurait les voir disparaître sans leur apporter l’hommage de sa sympathie et de ses regrets.

II. — La Revue de Philosophie a publié un numéro exceptionnel sur l’ « Expérience religieuse » dans le catholicisme. Il convient d’y relever une très copieuse et très intéressante étude de Dom Festugière sur la liturgie catholique (I, 692-885). Il est curieux de noter que ce travail a été attaqué par les PP. Jésuites (Études, fascicule du 20 novembre 1913), qui ont voulu y voir un « manifeste », le manifeste de l’école « néo-liturge ». Faute de « modernistes », on s’attaque à qui l’on peut… — Citons encore, parmi les articles publiés au cours de l’année 1913 par la Revue de Philosophie, Le temps et le mouvement selon les scolastiques, par M. Duhem (II. 453-478) et une bonne Revue critique d’histoire de la philosophie antique, par M. A. Diès (I, 389-426).

III. – De la Revue pratique d’Apologétique, nous retiendrons : E. Mangenot, Saint Paul et les mystères païens (II, 176-196, 241-257 et 339-355) ; J. Touzard, Les lois sociales et religieuses du Deutérome (II. 721-749). — Il s’en faut, malheureusement, que la tenue générale de la Revue pratique d’Apologétique se maintienne à la hauteur de ces travaux solides et consciencieux. Nous croyons instructif de montrer par un exemple précis à quelles petitesses leur désir de soumission aveugle aux maîtres de l’heure du Vatican conduit certains apologistes naïfs. Dans une lettre qui a fait quelque bruit, le cardinal Merry del Val, s’écartant délibérément de l’enseignement des Pères de l’Église, faisait de la propriété un droit tempéré uniquement par la charité, indépendamment de toute considération de justice. La Revue pratique d’Apologétique crut devoir aussitôt souscrire à cette doctrine, et dans son numéro du 15 février 1913 paraissait un article de M. J. Verdier La propriété est-elle un droit individuel ou une fonction sociale ? (p. 737-748). L’embarras de l’auteur ne devait pas être petit, tous les Pères, saint Basile, saint Ambroise, saint Jérôme, saint Augustin, saint Jean Chrysostome, saint Grégoire le Grand, ayant soutenu la thèse opposée à celle de Mgr  Merry del Val. M. Verdier a donc cru devoir plaider pour eux les circonstances atténuantes, et il explique gravement (p. 743) que leurs attaques contre la propriété se « justifient » par ce fait que de leur temps il y avait de mauvais riches et des gens qui mouraient de faim. Bienheureux sommes-nous de vivre en un temps où ces inégalités ne sont plus qu’un lointain souvenir !

IV. — Dans la Revue des Sciences philosophiques et théologiques, plusieurs bons articles historiques : P. Mandonnet, Premiers travaux de polémique thomiste (pp. 46-70 et 242-262) ; — A. Diès, le Socrate de Platon (pp. 412-431) ; A. Lemonnyer, le Culte des dieux étrangers en Israël (pp. 432-466).

V. — De même, dans la Revue Néo-Scolastique : P. Mandonnet, Roger Bacon et la composition des trois Opus (pp. 53-68 et 164-180) ; — J. de Ghellinck, Un catalogue des œuvres de Hugues de Saint-Victor (pp. 226-232) ; — J. Cochez, l’Esthétique de Plotin (pp. 294-338 et 431-454).

VI. Relevons dans la Revue Thomiste : R. P. Mélizan, la Crise du Transformisme pp. 64-71, 189-202 et 641-655) ; — R. P. Robert, Hiérarchie nécessaire des fonctions économiques d’après saint Thomas d’Aquin (pp. 419-431). On peut regretter que la Revue Thomiste ne sache pas toujours conserver, dans la discussion des doctrines contemporaines, le calme dont elle fait preuve dans l’étude des auteurs anciens. Par exemple la chronique du R. P. Garigou-Lagrange, Autour du Blondelisme et du Bergsonisme (pp. 350-377) n’est pas une discussion philosophique, mais un réquisitoire où l’auteur énumère des propositions condamnables.

Archiv für systematische Philosophi. Année 1913.

Arthur Trebitsch. (Vienne) : Die Sinne und das Denken. — De nos jours encore la logique d’un concept est, philosophiquement, le critérium de la vérité : et l’on peut même affirmer que le principe d’autorité possède une puissance de suggestion plus forte qu’au moyen âge.

C’est par la distinction élémentaire que font tous les manuels de philosophie entre l’attention concentrée et l’attention dispersée que M. Trebitsch veut renouveler la méthode philosophique. Le savant qui concentre son attention sur un objet déterminé et reste indifférent aux impressions extérieures, n’est pas distrait ; il est attentif, au sens fort du mot. Est distrait celui-là seul qui disperse sa « force de fixation (Fixations-