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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE


SUPPLÉMENT
Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.
(N° DE MAI 1913)



NÉCROLOGIE

Georges Rodier
(1864-1913)

La mort prématurée de Georges Rodier a été une perte cruellement sensible à tous ceux qui en France s’intéressent aux études de philosophie ancienne, à tous ceux aussi qui l’ont connu, qui ont pu apprécier la droiture et la fermeté de son caractère, qui savent de quel dévouement son amitié était capable, qui ont pu voir enfin avec quel admirable courage, connaissant la menace qui pesait sur son existence, cherchant à l’oublier dans le travail, il a supporté les tortures morales et les souffrances de ses dernières années/

Élève, à la Faculté des Lettres de Bordeaux, de MM. Espinas et O. Hamelin, il avait reçu de l’enseignement de ce dernier une influence qui devait déterminer, dans son orientation comme dans sa forme, l’activité philosophique de toute sa vie. De ses thèses de doctorat, présentées à la Sorbonne en 1891, l’une traitait de la Physique de Straton de Lampsaque, l’autre, De vi propria syllogismi, était une très remarquable étude dont il eut l’heureuse idée de donner plus tard une traduction française dans l’Année Philosophique, 1908. Mais ses qualités d’historien de la philosophie grecque devaient s’affirmer avec un éclat particulier dans l’édition qu’il publia, en 1900, du Traité de l’Ame d’Aristote, avec traduction et commentaire, Une érudition immense, une exégèse souple, claire, pénétrante, appliquée aux textes aristotéliciens les plus ardus et les plus obscurs, une prudence avisée dans la critique du texte et dans l’interprétation, partout une parfaite probité scientifique, tels sont les mérites indiscutables de ce grand et beau travail.

Après avoir professé aux lycées de Rochefort et de Tarbes, G. Rodier était entré en 1893 dans l’Enseignement supérieur. Il appartint successivement aux Facultés des Lettres de Toulouse et de Bordeaux (1894), enfin à la Sorbonne où il succéda en 1907 à Victor Brochard. Les travaux et la renommée de l’enseignement solide et précis qu’il donnait à Bordeaux le désignaient au choix de la Faculté, et ce choix même répondait au vœu souvent exprimé de Brochard.

En outre des ouvrages déjà mentionnés, Rodier avait écrit dans diverses revues de nombreux articles, dont plusieurs sont très importants : la Composition de la Physique d’Aristote (Archiv f. Gesch. d. Philos., 1895-6) ; les Mathématiques et la Dialectique dans le système de Platon (Ibid., 1902) ; sur une des origines de la philosophie de Leibniz (dans cette Revue, 1902) ; la cohérence de la morale stoïcienne (Année Philos., 1904) ; l’évolution de la dialectique de Platon (Ibid., 1905) ; remarques sur le Philèbe, trois articles de la Revue des Études anciennes (1900) ; une revue générale de philosophie ancienne, 1880-1904 (Revue de synthèse historique, XIII), etc.

Ces travaux, comme les précédents, portent la marque de qualités qui valent par elles-mêmes, la vigueur et la précision de la pensée, la sûreté de la méthode. La mort, hélas ! n’a pas permis à Georges Rodier de poursuivre des recherches par lesquelles il s’était de bonne heure révélé comme un maître et qui autorisaient pour l’avenir les plus belles espérances.


LIVRES NOUVEAUX

Essais de Critique Générale, 3e Essai : les Principes de la Nature, par Ch. Renou-