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cette histoire de la musique ; il aurait mieux valu vous en tenir à une petite période, bien connue.

M. Lemonnier. En tant qu’historien, je vous reproche d’avoir embrassé un sujet trop vaste, d’en être sorti, surtout de n’avoir pas donné de références et d’avoir commis de graves erreurs.

Vous parlez de mystères, avant le xiie siècle et l’on n’en connaît point avant le xiiie. – Ce ne sont pas, comme vous le prétendez, les miracles qui ont succédé aux mystères, c’est le contraire qui est vrai. – De l’art gothique sous Philippe-Auguste, ce que vous dites est faux, et il en va de même de la plupart des rapprochements que vous tentez.

Quant aux « monstruosités de la Révolution », je voudrais savoir ce que vous entendez par là.

M. Lalo. Il s’agit de grandes démonstrations musicales avec accompagnement de canon et de milliers de tambours.

M. Lemonnier. Comme vous exagérez ! Il n’y eut pas que cela, à cette époque.

M. Lalo est déclaré docteur avec la mention honorable.


IVe CONGRÈS DES MATHÉMATICIENS

H. Poincaré,
« L’Avenir des Mathématiques ».

Les lecteurs de la Revue de Métaphysique ont pu souvent apprécier les profonds articles de M. Poincaré et ils savent combien les idées de l’illustre géomètre sont originales et fécondes : on peut certainement affirmer que la renaissance de la philosophie des mathématiques dans ces dernières années est due en grande partie à l’impulsion qu’il a donnée à cette branche d’études. Une conférence de M. Poincaré sur l’avenir des mathématiques intéressera donc également les philosophes et les mathématiciens. Nous voudrions dégager brièvement quelques-unes des idées générales de cette communication.

Le passé détermine le présent et le présent est gros de l’avenir, disait Leibnitz ; M. Poincaré estime aussi que pour prévoir l’avenir des mathématiques, il faut étudier leur histoire et leur état présent ; il examinera donc à ce point de vue les branches diverses des mathématiques. Mais avant d’aborder les questions techniques, M. Poincaré dégage quelques vues d’ensemble sur la pensée mathématique.

D’abord le mathématicien a un rôle pratique à remplir parce que le physicien et l’ingénieur lui demandent de résoudre des problèmes qu’ils rencontrent dans les applications. Mais le géomètre ne doit pas se borner à répondre aux questions qu’on lui pose. La mathématique doit se développer librement selon ses propres tendances, car ce qui parait inutile aujourd’hui au vulgaire sera essentiel demain. Il en est en mathématique comme en physique : au xviiie siècle les savants qui s’occupaient d’électricité semblaient perdre leur temps à des distractions oiseuses ; aujourd’hui la science électrique joue dans le développement de l’industrie un rôle capital. Ce n’est donc pas l’utilité immédiate qui doit guider le mathématicien, il doit surtout satisfaire aux exigences de la pensée. « Si un résultat nouveau a du prix, c’est quand en reliant des éléments connus, mais jusque-là épars, il introduit l’ordre là où régnait l’apparence du désordre. » L’idée simple qui met de l’ordre constitue aussi une économie de pensée selon le mot de Mach, parce qu’elle embrasse un grand nombre défaits différents et évite de recommencer à propos de chacun d’eux un raisonnement valable pour tous. M. Poincaré remarque, en terminant ces considérations générales, que la conception que l’on se fait de la solution d’un problème varie avec le progrès de la science ; on considérait autrefois une équation comme résolue quand on en avait exprimé la solution à l’aide d’un nombre fini de fonctions connues : mais on sait aujourd’hui que cela n’est généralement pas possible, et l’on cherche à résoudre le problème qualitativement, en quelque sorte, en indiquant l’allure générale de la courbe qui représente la fonction inconnue.

Nous ne reprendrons pas en détail l’examen de tous les problèmes techniques qu’expose M. Poincaré. Bornons-nous à caractériser l’idée générale qui domine cette exposition et à indiquer quelques exemples qui la justifient. L’idée capitale de cette partie de l’exposé de M. Poincaré est que c’est surtout par des rapprochements entre les branches diverses de la science que les progrès s’accomplissent.

Ainsi l’arithmétique a progressé surtout en s’inspirant des théories de l’algèbre et de l’analyse. La théorie des congruences, par exemple, se développe parallèlement à la théorie des équations. L’analogie qui existe entre la théorie des idéaux et la théorie des surfaces éclairera ces deux doctrines.

En ce qui concerne les équations aux dérivées partielles, des résultats très importants ont été obtenus par M. Fredholm, précisément parce que le savant géomètre