Page:Revue de métaphysique et de morale, supplément 3, 1908.djvu/13

Cette page a été validée par deux contributeurs.

suite le Phèdre. Le Banquet n’est pas antérieur à 385 : il répond non à la diatribe de Polycrate, mais au Plutus d’Aristophane (388). Le Phèdre n’est pas, comme on le dit souvent, un des premiers dialogues de Platon : il est postérieur au Phédon auquel il renvoie ; à la République, car la doctrine des parties de l’âme y est plus précise et mieux fixée ; il est proche par le contenu du Timée, du Philèbe, des Lois, et des dialogues logiques. L’Amour est donc un démon. Sa nature est synthétique, intermédiaire entre l’Intelligible et le sensible. Mais il est, comme l’âme, cause de mouvement et de vie. Les âmes mêmes sont des démons. Ou plutôt, ce nom convient à la partie intellectuelle de l’âme ; l’Amour, sous sa forme la plus parfaite, appartient à l’âme intellectuelle, intermédiaire entre le monde des Idées et le monde sensible. Il appartient donc aussi à l’âme du Monde, composé de Fini et d’Infini, le plus grand des démons. De là suit que l’Amour a dans le platonisme un rôle considérable. Il nous élève à la contemplation de la Beauté. Or, la Beauté est un rapport universel qui domine le monde sensible et le Monde des Idées. Unis à la nature corporelle, l’âme et l’Amour peuvent se pervertir, mais en eux réside cependant toute la force de la vie.

Ces conclusions, justifiées par des dissertations très savantes et très ingénieuses, restent discutables. Sans doute, M. Robin adopte une chronologie raisonnable, mais les moyens qui lui servent à l’établir sont insuffisants : le progrès logique du Banquet au Phèdre n’est pas évident ; il y a peu de fond à faire sur les allusions d’un dialogue à un autre. Seule l’étude externe des textes serait convaincante. Et les recherches stylistiques (vis-à-vis desquelles M. Robin conserve quelque méfiance) sont encore trop imparfaites, pour fournir une preuve décisive. L’identification des âmes et des démons reste douteuse : le texte du Timée (41 A-B) n’est pas assez explicite. Et le mot δαίμων est, en grec, d’un usage si général que son application à l’âme ne prouverait pas grand’chose. Enfin, il est impossible d’isoler ainsi la doctrine platonicienne de l’Amour. Le Banquet et le Phèdre font partie d’un cycle rhétorique et poétique très important. Ils se rattachent, comme leur forme même le prouve, à toutes les discussions érotiques que les Sophistes avaient mises en honneur. Platon y traite des sujets « d’actualité ». Il est malaisé d’en tirer une doctrine cohérente, à moins de « compléter » Platon, comme l’a fait M. Robin, avec plus d’ingéniosité et d’habileté, sans doute, que de rigueur véritable.

Die typischen Geometrien und das Unendliche, par Branislav Petronievics. 1 vol. in-8 de 87 p. ; Heidelberg, Carl Winter, 1907. – M. Petronievics développe dans son nouveau travail les idées formulées dans ses Principien der Metaphysik (1904). Dans ce dernier ouvrage, il expliquait par une théorie finitiste la constitution du temps et de l’espace. Dans le présent travail l’auteur établit la possibilité logique de l’espace discret (konsekutiv) et l’indépendance de la nouvelle géométrie (la géométrie finitiste de l’auteur) vis-à-vis de la métaphysique finitiste — bien que dans la section la plus importante de l’ouvrage il se prononce en faveur de la doctrine finitiste.

L’ouvrage est divisé en quatre parties. Dans la première partie l’auteur examine toutes les formes possibles de l’espace d’après quatre points de vue fondamentaux.

1o Au point de vue de la réalité, l’espace est vide ou réel.

2o Au point de vue de la division en points, l’espace est continu ou discontinu.

3o Au point de vue de la séquence des points, l’espace est consécutif ou inconsécutif.

4o Au point de vue du nombre des points, l’espace est fini ou infini.

En donnant à chaque type d’espace un caractère pris dans chacun des quatre groupes précédents, M. Petronievics obtient huit types spatiaux fondamentaux. Par exemple le premier type d’espace sera vide, continu, inconsécutif et infini (p. 15).

Dans la deuxième partie, l’auteur examine les deux principaux types d’espace qui correspondent à des géométries différentes, l’espace consécutif et fini et l’espace continu et infini. Il montre que la géométrie discrète qui répond au premier type d’espace peut être généralisée de façon à convenir à toutes les géométries, tandis que la géométrie continue n’a pas cette généralité. Dans la troisième partie, intitulée : Les nombres transfinis et le discontinu consécutif (Diskretum konsekutive), l’auteur, après avoir montré que la nature de l’infinitisme est contradictoire au point de vue de la « logique réelle », est amené à chercher un nouveau fondement pour la doctrine finitiste. Tandis que, dans son précédent ouvrage métaphysique, M. Petronievics partait de la critique logique de la notion d’infini pour aboutir à la possibilité logique de l’espace discontinu consécutif ; ici, inversement, il part de cette dernière notion pour en déduire