tique originale et très sûre d’elle-même. Aucun des concepts de la spéculation indienne ne résiste à cette dissolution systématique inspirée par le sentiment le plus vif de la relativité universelle. Le but de cette critique est, comme chez Pyrrhon, une fin morale et religieuse : l’existence étant illusoire et le « vide » seul réel, la transmigration (samsâra) ne fait qu’un avec le nirvâna, la dialectique est une délivrance, car elle produit l’indifférence. D’où le nom de doctrine « moyenne », c’est-à-dire de l’indifférence à l’égard de toutes les oppositions, conceptuelles ou morales. Par sa méthode, cette philosophie joue un rôle essentiel dans la formation de la logique bouddhique ; aussi faut-il savoir gré à M. Walleser d’avoir rendu accessible un texte d’une aridité singulière, mais qui garde, non seulement pour l’historien, mais pour le philosophe, une réelle valeur.
Die Religion und Philosophie Chinas aus den Originalurkunden übersetzt und herausgegeben von Richard Wilhelm. (Tsingtau). — Sous ce titre a été entreprise par M. R. Wilhelm, la publication de dix volumes destinés à donner au public européen accès aux textes essentiels de la philosophie chinoise. Il convient d’accueillir avec sympathie ce sérieux et méritoire effort. Les traductions que présentent les quatre volumes déjà parus ont été très soigneusement exécutées, avec le souci de tirer parti des commentaires les plus anciens, datant, par exemple, des Tang ou même des Han, et non pas seulement des gloses de l’époque des Sung. L’éditeur Eugen Diederichs, de Iéna, réussit à présenter cette collection sous une forme élégante et pratique, avec l’ornement de quelques documents figurés, gravures ou photographies. — Cette publication, d’excellente vulgarisation, sera consultée aussi avec fruit par les sinologues, quoiqu’elle ne supplante pas les remarquables traductions de Legge. Les orientalistes s’étonneront de voir traduire une fois de plus, sans qu’un profit bien notable en résulte pour nos connaissances, Confucius, Mencius, Lao Tse ; cependant ils approuveront le dessein de traduire quelques textes moins connus. Ils regretteront que la difficulté d’imprimer en Europe des caractères chinois ait forcé l’éditeur à se contenter, pour les termes qui font l’objet des notes, de transcriptions phonétiques nécessairement arbitraires. Surtout, pour que ces ouvrages prissent un caractère scientifique, il faudrait que mention fût faite des sources où sont puisées les interprétations proposées ; souhaitons que M. R. Wilhelm satisfasse davantage, dans les volumes à venir, à ces exigences de la méthode critique : l’œuvre gagnerait singulièrement en valeur.
Ont déjà paru :
Kungfutse-Gespräche (Lun-Yü, 1 vol. gr. in-8 de xxxii-244 p., Iéna, Diederichs, 1910. — Ce livre, par analogie avec celui de Xénophon sur Socrate, pourrait s’appeler « Entretiens mémorables de Confucius » : c’est la source la plus importante dont nous disposions pour connaître la personnalité du maître et ses premiers disciples. Or, on sait que son originalité réside plutôt dans l’attitude morale dont il a donné l’exemple, que dans des enseignements dogmatiques ou dans la rédaction d’ouvrages. L’introduction de M. R. Wilhelm montre bien comment Confucius fut la condensation vivante de l’antiquité chinoise ; comment il fut un philosophe, non pas seulement un moraliste ou un politique ; comment enfin sa doctrine est foncièrement optimiste, car il dépend de l’homme, ou plus exactement du Fils du Ciel, de faire que l’humanité, et conséquemment la nature entière, soient heureuses et parfaites. — De même que Couvreur avait donné à la fois du Loun-Yu une version latine littérale et une traduction française, M. R. Wilhelm a pour ainsi dire traduit deux fois la plupart des chapitres, d’abord littéralement, puis en une paraphrase très libre qui utilise, dans une mesure non déterminée, les commentaires chinois ou japonais des diverses époques. Les notes sont abondantes.
Laotse. Tao Te King. Das Buch des Alten vom Sinn und Leben, 1 vol. gr. in-8 de xxxii-118 p., Iena, Diederichs, 1911. — Il est naturel que M. R. Wilhelm, aspirant a donner une notion d’ensemble de la spéculation chinoise, ait tenu à faire connaître le « Vieux philosophe » (Laotse), dont l’ouvrage est, sans conteste, le plus métaphysique de toute la littérature chinoise. Mais c’est ici surtout qu’il est permis au critique de se demander si cette entreprise, encore qu’elle soit courageuse, était vraiment utile. Presque chaque année un effort plus ou moins sérieux nous gratifie d’une traduction nouvelle du Tao Te King, et pourtant nous restons dans une complète ignorance de la signification authentique de l’ouvrage, faute de posséder une histoire, même rudimentaire, du taoïsme. Non seulement les origines de la doctrine, antérieure certainement à Laotse (viie-vie siècles avant notre ère), dont la figure,