plusieurs années, le doyen de leur Faculté.
Son ouvrage sur Kant, Fichte et le problème de l’Éducation,
avait été couronné
par l’Académie française, et traduit
en plusieurs langues.
LIVRES NOUVEAUX
La Perception du Changement (Conférences faites à l’Université d’Oxford les 26 et 27 mai 1911), par Henri Bergson. 1 vol. in-8 de 37 p., Clarendon Press, Oxford, 1911. — Dans ces deux conférences M. Bergson a exposé avec une simplicité, une lucidité et une élégance admirables quelques-unes des idées les plus essentielles de sa doctrine. Ceux-là mêmes à qui elles sont familières éprouveront un rare plaisir d’esprit à les retrouver ici, traduites dans la langue la mieux faite pour les rendre suggestives et persuasives. Dans la première conférence, M. Bergson a insisté sur le genre de faculté et de méthode qu’il faut mettre en œuvre pour philosopher, et il a expliqué comment la philosophie doit être une vision du réel, non pas différente par nature de nos perceptions ordinaires, mais dégagée des conditions d’utilité, pratique auxquelles ces dernières sont soumises, obtenue par une conversion de notre attention vers tout ce qui s’offre dans le monde sans servir pratiquement à rien : ainsi sont écartées les contradictions et les difficultés inhérentes à toutes les tentatives faites pour corriger ou remplacer, à l’aide de concepts et de raisonnements, les données usuelles des sens et de la conscience : en réalité, c’est une vision plus large, une vision désintéressée, qu’il faut substituer à la vision rétrécie et déformée par les nécessités de la vie et de l’action. — Dans la deuxième conférence, M. Bergson montre comment la réalité est changement, comment le changement est indivisible, et comment par suite le passé continue à être et fait corps avec le présent, malgré l’illusion d’origine pratique qui nous porte à croire que le présent seul est réel et que le passé a besoin d’être reconstitué : ainsi sont écartées encore toutes les contradictions ou difficultés issues de la dénaturation artificielle du changement par les concepts et de l’énoncé fait ici de problèmes tels que ceux que posaient les Eléates, concernant la reconstitution du mouvement par les positions successives du mobile, ou tels que ceux que posent les modernes, concernant le rapport des états changeants avec la substance. — En somme toute la pensée de M. Bergson se développe ici à partir de cette proposition qui en effet, une fois acceptée, donne raison à toute la suite : « Si nos sens et notre conscience avaient une portée illimitée, si notre faculté de percevoir, extérieure et intérieure, était indéfinie, nous n’aurions jamais recours à la faculté de concevoir ni à celle de raisonner. Concevoir est un pis-aller dans les cas où l’on ne peut pas percevoir, et raisonner ne s’impose que dans la mesure où l’on doit combler les vides de la perception externe ou interne, et en étendre la portée » (p. 5).
Science et Philosophie, par Jules Tannery, avec une notice par Emile Borel, professeur à la Sorbonne, sous-directeur de l’École Normale Supérieure. 1 vol. in-16 de xvi-336 p. Paris, Alcan, 1912. — Après une notice de M. Borel qui rappelle en quelque sorte par le fait que l’une des œuvres les plus importantes de Jules Tannery, ce furent ses élèves, (nous regrettons ici l’absence d’une bibliographie complète comme celle qui a été faite pour Paul Tannery) on trouvera dans le recueil quelques-uns des nombreux articles que Jules Tannery écrivit dans diverses revues, et des extraits intéressants de comptes rendus pour le Bulletin des Sciences mathématiques, auquel pendant de longues années il a collaboré de la façon la plus active. La plus importante de ces études a paru dans la Revue de Paris, en 1895 : elle a pour titre le Rôle du Nombre dans les Sciences, et synthétise avec cette pureté de langage et cette simplicité toujours mêlée de quelque réserve ironique qui sont la marque de l’esprit de Jules Tannery, une période dans l’histoire de la pensée humaine. Mais le danger même de cette conception arithmétique des sciences, si on la comprenait en gros et si on l’appliquait sans critique, serait de dénaturer la réalité dont on prétendrait rendre compte, et de stériliser l’enseignement de cette mathématique à laquelle on voulait assurer la prédominance. Ce double danger, philosophique et pédagogique, avait préoccupé Jules Tannery. Au lendemain de l’apparition de la Psychologie allemande contemporaine, il avait dirigé contre la loi de Fechner des objections scientifiques qui sont aujourd’hui classiques : l’excellente thèse de M. Foucault a fourni à Jules Tannery l’occasion de revenir, à vingt-cinq ans de distance, sur les problèmes fondamentaux de la psychophysique, comme sur « l’histoire d’une chose morte » ; on sera heureux de posséder dans leur ensemble toutes ces remarques décisives. D’un autre côté, par une des-