se donner une idée générale des questions actuellement débattues. Pour tous, il y aura grand profit à suivre la discipline sévère de l’argumentation de M. Bernès, à s’inspirer de sa méthode qui fait leur place à toutes les attitudes et à toutes les recherches, non pour les concilier dans une formule éclectique mais pour écarter tout dogmatisme prématuré, qui se propose avant tout de délimiter et de graduer, en distinguant différents plans dans l’action continue de la pensée et de la vie, et en réservant en quelque sorte les droits de l’évolution humaine.
L’adolescence, par G. Compayré. 1 vol. in-18 de 194 p., Paris, Alcan, 1908. — M. Compayré a pris occasion d’un récent ouvrage de M. Stanley Hall (Adolescence, its psychology, and its relations to physiology. New— York, 1904) pour nous présenter ses propres vues non pas tant sur l’adolescente elle-même que sur l’utilité, les conditions de l’état actuel de l’étude, scientifique de cette intéressante période de la vie. Il nous montre, par l’insuffisance des résultats de l’enquête touffue et laborieuse de M. Stanley Hall, combien nous savons peu de chose de cet âge de formation intellectuelle et morale ; il indique les problèmes à débattre, les procédés à employer, les sources où puiser. C’est moins un livre que le plan d’un livre, que l’on regrette que M. Compayré n’ait pas écrit. Les vues personnelles, d’ailleurs simplement indiquées, ne font pas défaut à ce travail en apparence tout critique et méthodologique. On y retrouve la connaissance des hommes et des livres, la modération et le bon sens qui font l’agrément des divers écrits de M. Compayré sur l’éducation et les éducateurs.
L’éducation du caractère, par le P. Gillet. l vol. in-18, de xii-296 p., Paris, Desclée, 1909. – Si le recteur de l’Université de Louvain, Mgr Hebbelynck, a cru devoir faire précéder les conférences faites par le Père Gillet à ses étudiants d’une préface élogieuse jusqu’à l’enthousiasme, c’est qu’il a fait céder sans doute les résistances de son jugement aux exigences de la charité chrétienne. Mais nous, qui ne nous reconnaissons pas les mêmes obligations, nous avouerons sans détour que nous avons rarement rencontré un livre plus vide, plus vaguement oratoire, plus dénué d’accent personnel. Il n’y a là que des titres de chapitres et des indications de questions. On nous dit que la volonté n’est pas impuissante à modifier le caractère, mais qu’elle n’est pas non plus toute-puissante ; mais que peut-elle au juste et à quelles conditions, on n’en dit rien. Il faut avoir un idéal : ne demandez pas lequel. Il faut aussi s’appuyer sur les passions « qui sont le tremplin sur lequel on s’élance à la conquête de l’idéal » : mais ne demandez pas sur quelles passions ou quel usage il en faut faire. Et ainsi pour tout le reste.
Le cœur humain et les lois de la psychologie positive, par A. Baumann. 1 vol. in-12 de vii-350 p., Paris, Perrin, 1909. — L’auteur semble s’être proposé un double but : d’abord montrer comment tous les sentiments de l’âme s’expliquent par les combinaisons des dix penchants (7 égoïstes, 3 altruistes) distingués par A. Comte ; puis, établir que tout ce qu’il y a de bon en nous ou de beau hors de nous tient de la prédominance des penchants altruistes : l’attachement, la vénération, la bonté. M. Baumann ne l’affirme pas seulement de l’équilibre normal, de la santé morale, ce qui serait assez juste en fait, quelque principe d’ailleurs que l’on assigne à la moralité. Mais l’auteur l’affirme aussi bien de l’équilibre intellectuel et il se fait fort d’établir, en quelques pages, que toutes les formes de la folie, tous les délires, toutes les manies, viennent de la prédominance de l’égoïsme. La beauté des œuvres d’art a également rapport à l’altruisme. Pourquoi la rime est-elle agréable ? C’est que ces sons semblables qui se cherchent éveillent l’idée de l’attachement. Pourquoi les formes régulières et proportionnées sont-elles belles ? Parce que, marquant la soumission aux lois mathématiques, elles satisfont en nous l’instinct de vénération. De même la direction et les aptitudes de l’intelligence saine s’expliquent par la prédominance de tel ou tel
des penchants’altru’sles. L’attachement rend un homme capable d’observation, mais peu propre la prévision, aux déductions à longue portée. La vénération rend apte à déduire les conséquences, etc. Des rapports si singuliers ne pourraient être rendus vraisemblables que par une analyse da sentiments altruistes qui en mettrait au jour Ses virtualités. Mais M. liaumann se l’interdit au nom de la méthode positive. H est inutile et impossible de savoir ce que sont au fond nos sentiments : ii faut s’en tenir à en observer les rapports du dehors. Toute notre psychologie moderne, physiologique ou autre, fait fausse route en venant Li l’explication des sentiments. Notre physique èvidemment se se trompe pas moins, qui au