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M. Rodier. Je lis à la page 330 : que Rosmini pensait qu’un Etat civilisé doit jouir de la liberté de la presse et de la parole et en général de la liberté de penser. Page 334 je trouve que Rosmini condamnait la séparation de l’Église et de l’État, système qui méconnaît le droit qu’a l’Église de décider ce qui est juste et honnête. — Comment concilieriez-vous ces deux opinions contraires ?

M. Palhoriès. Je ne les concilierais pas et une fois de plus je constaterais qu’il y a en Rosmini deux hommes : le prêtre attaché à la tradition de son Église et le philosophe rationaliste.

M. Palhoriès est déclaré digne du grade de docteur ès lettres, avec mention honorable.




Thèses de M. Francis Maugé, ancien élève de la Sorbonne.

I. L’hypothèse rationaliste et la méthode expérimentale.

M. Maugé. L’idée maîtresse des deux thèses sort du Discours de la Méthode ; je me rattache à la méthodologie cartésienne qui cherche un signe distinctif de vérité, un critère, mais j’en élimine l’évidence qui se retrouve aussi dans le kantisme. Mon critère est subjectif ; c’est un besoin, un idéal, dont on suppose la réalisation possible, et cette réalisation est l’hypothèse rationaliste. Le rationalisme est une méthode en lui-même ; il implique un choix dans les données expérimentales qui n’ont pas toutes la même valeur ; il faut devenir conscient de l’idéal scientifique et de ses implications qui sont les conditions mêmes de sa réalisation, il faut faire la technologie de la science.

L’idéal scientifique est un idéal d’exactitude et d’organisation, d’unité, sans quoi la science n’est qu’une nomenclature. La systématisation, c’est, dans l’ordre pratique, la réduction de tous les moyens à un seul, à un moyen-fétiche ou talisman ; dans l’ordre spéculatif, la réduction à une cause unique. La science est un système de corrélations ; l’idéal scientifique, un besoin affectif, provisoire (la science varie en fonction de ce besoin), encyclopédique, s’appliquant à tout ordre de recherches scientifiques. L’essai de M. Maugé est un essai de méthodologie générale.

La méthode expérimentale a pour but d’isoler les diverses séries causales dont l’enchevêtrement fait le hasard, cet isolement (abstraction) ne doit pas être mental, car alors il n’élimine pas toutes les circonstances accessoires, il doit être matériel. Sans l’abstraction matérielle qu’on











pratique en chimie, toute expérience est contingente. La méthode expérimentale est la mise en relation de termes individuels abstraits. M. Boutroux loue ce résumé ; il trouve le sujet d’une méthodologie encyclopédique très ambitieux. Le style est souvent incorrect et impur ; il y a des erreurs de faits historiques et scientifiques (ainsi ° cette phrase Avant Bacon l’expérience était totalement inconnue » ), des citations de seconde main ou d’après des traductions. M. Maugé interprète mal Descartes, lequel veut qu’on aille d’intuition à intuition et réserve la méthode syllogistiquepour l’exposition ; cela est d’autant plus grave que la méthode vantée par M. Maugé n’est qu’une transposition de celle de Descartes. Puis la position du problème est abstraite, scolastique. M. Maugè veut nous donner cne méthode d’invention, et il pose a priori l’idéal, scientifique ; une définition ne saurait être Un point de départ, ni être définitive. La théorie de M. Maugé est faite avant la recherche commencée ; or la méthode se fait au laboratoire te savant la pratique avant de la dégager. M. Maugé se défend d’avoir voulu définir, comme le géomètre, des propriétés positives, il n’a défini qu’un système de valeurs logiques et scientifiques. M. Boutroux. Vous confondez la constance des lois naturelles avec l’identité logique. Il y a dans la science un élément empirique irréductible à de purs concepts. M. Maugé. Je ne pars pas du principe d’identité ; à l’origine est le besoin de trouver des moyens en vue de fins qu’on ne peut directement atteindre. Le, principe de constance des lois naturelles est la transposition de ma définition primitive de l’idéal scientifique. M. Boulroux. Vous faites du mot « abstrait » un usage indistinct. Puis vous ne posez pas le vrai problème. Vous voulez éliminer le concept général comme intermédiaire entre les faits et la loi. Vous vous faites de la loi une idée scolastique, comme d’une entité distincteet immuable : si elle est cela, comme le fait ne donne jamais cela, il faut un intermédiaire, le concept. Le vrai problème est celui du passage du fait à.la loi par l’intermédiaire du concept dans l’induction vous l’avez esquivé. Pour vous les lois sont immuables, comme des « axiomes éternels » vous dites qu’en vertu d’une loi les êtres ne doivent pas pouvoir vivre dans l’acide carbonique. En quoi votre « abstraction matérielle se distingue-t-elle de l’analyse expérimentale habituelle au savant ?