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tion. Galuppi a écrit quelque part qu’il faut distinguer deux moments dans la connaissance : l’esprit analyse d’abord et fait ensuite une synthèse. Où voyez-vous là une contradiction ?

M. Palhoriès. La contradiction consiste en ceci que d’une part tout l’effort de Galuppi se porte à affirmer contre Kant qu’il y a une expérience première dans laquelle l’esprit procède par analyse et sans faire intervenir aucun élément subjectif, et qu’il reconnaît d’autre part que l’esprit organise cette expérience. Il affirme d’abord que nous ne faisons que copier la nature, puis que l’esprit a besoin de lier, d’arranger, de combiner pour connaître.

M. Bouglé. Il y a donc contradiction dans la rédaction plutôt que dans la pensée. Galuppi, dites-vous, distingue deux expériences, l’expérience primitive et l’expérience comparée. Qu’entend-il par là ?

M. Palhoriès. Je l’ai expliqué dans la première partie de ma thèse. L’expérience première est celle dans laquelle l’esprit ne fait que copier la nature : l’arbre est vert. L’expérience seconde ou comparée est celle dans laquelle l’esprit introduit un élément a priori, la notion d’identité. Dans l’une il y a expérience puis analyse et synthèse réelle, dans l’autre il y a expérience puis analyse et synthèse idéale.

M. Bouglé. J’ai bien peur que vous n’ayez pas été assez précis, p. 136-140, dans la façon dont vous avez réfuté l’erreur de Galuppi qui fait de Kant un sceptique. Vous auriez dû insister d’autant plus que c’est là une erreur traditionnelle et sur laquelle on n’a pas assez insisté, à mon sens. Comment Kant lui-même concevait-il son idéalisme ? Voilà ce que je vous demanderai de nous expliquer.

M. Palhoriès. Kant ne fut jamais un idéaliste absolu et nous trouvons plusieurs textes qui nous permettent de l’affirmer. Je citerai d’abord la déclaration des Prolégomènes que j’ai transcrite page 140. Dans la première édition de la Raison pure il déclare qu’il y a une expérience réelle, objective : seulement la question serait ici de savoir pourquoi le passage a été supprimé dans la seconde édition. Dans la critique de la Raison pratique il attaque l’idéalisme, mais l’idéalisme matériel, celui de Berkeley, et non l’idéalisme transcendantal. Enfin il faudrait encore citer d’autres passages des Prolégomènes où il se compare à Locke.

M. Bouglé. C’est en développant ces indications que vous auriez pu remontrer à Galuppi que la philosophie de l’expérience c’est le Kantisme. Kant lui-même a dit que son idéalisme était un idéalisme critique — et il l’opposait à l’idéalisme dogmatique de Berkeley et à l’idéalisme problématique de Descartes.

M. Hauvette se gardera bien de chercher dans quelle mesure Galuppi a compris Kant. C’est comme professeur d’italien qu’il a été appelé, et il décline toute compétence sur le fond de la question.










Ce que je vous demanderai c’est dans quelle mesure Galuppi était un « Italien n. A propos de ses travaux vous avez cité des Français, des Allemands, des Anglais et des Écossais,’vous n’avez pas nommé un seul Italien. Est-ce donc qu’on ne peut le rattacher à son pays ? M. Palhoriès. Italien, il ne l’est en effet que très peu. Rome se trainait alors dans l’ornière, dira plus tard Rosmini. A cette époque la philosophie italienne était partout submergée par le sensualisme deCondillac, et ce n’est qu’après Rosmini qu’elle reprendra un caractère national. M. Uauvelte. Mais n’a-t-il pas au moins participé à la forme de la pensée italienne ? Il était Napolitain, n’est-ce pas ? et vous n’ignorez pas qu’il y a une forme de la pensée italienne méridionale comme il y a une tradition philosophique du midi de l’Italie. M. Palhoriès. Peut-être par la forme de sa pensée se montre-t-il Italien. Il est diffus, il aime les longs développements oiseux, il revient souvent sur les mêmes questions, enfin illui fautvingt volumes là où un Français aurait eu assez de trois. M. llauvetle. Si pour vous ce sont là des caractéristiques de la pensée italienne, nous ne serons probablement pas d’accord. Je crois que ce qui caractérise l’Italien, j’entends l’Italien du sud, c’est qu’il est très réaliste et que l’abstraction lui répugne. Après avoir déclaré que le candidat avait sans doute une connaissance très suffisante de la langue italienne, M. Hauvette montre à M. Palhoriès comment il a quelquefois manqué à des règles essentielles delà méthode historique (précision de la bibliographie indication exacte de toutes les sources mention des recherches infructueuses, etc.), règles aussi nécessaires pour l’histoire de la pliilosophie que pour l’histoire politique. Il. La philosophie de Rosmini. M. Palhoriès. Rosmini a écrit sur la politique, sur l’économie, sur le droit, sur la littérature, sur la religion, sur la morale et sur la philosophie c’est dire que son œuvre est immense et très complexe. Il construit.tout son système sur un principe psychologique si, dit-il, j’analyse toutes nos connaissances, j’arrive à cette conclusion qu’il y a sous