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REVUE DE MÉTAPHYSIQUE ET DE MORALE


SUPPLÉMENT
Ce supplément ne doit pas être détaché pour la reliure.
(N° DE MARS 1909)



NÉCROLOGIE

Victor Egger
(1848-1909).

M. Victor Egger, professeur à la Sorbonne, où il occupait la chaire de « Philosophie et Psychologie » est mort, le 19 février dernier, après une courte maladie, à l’âge de soixante et un ans. Fils de l’éminent helléniste Emile Egger (qui fut aussi un psychologue, et qui écrivit notamment un ouvrage sur Le développement de l’intelligence et du langage chez les enfants), il entra à l’École Normale à dix-neuf ans, dans la promotion de 1867. Il fut d’abord professeur aux lycées de Bastia et d’Angers, puis maître de conférences à la Faculté de Bordeaux, et professeur à la Faculté de Nancy. Chargé de cours à la Sorbonne en 1893, il y devint professeur adjoint au début de 1902, et titulaire en 1904.

Il s’était fait connaître en 1881 par une thèse sur La Parole intérieure, que les travaux publiés depuis lors sur le même sujet ont sans doute complétée, mais qui n’en demeure pas moins une œuvre classique ; elle vaut par la délicatesse et l’exactitude de l’observation, par le nombre et la qualité des références, par la portée des vues philosophiques qui s’appuient sur ces faits, et qui les coordonnent. La thèse complémentaire qui accompagnait cet ouvrage avait pour titre De fontibus Diogenis Laertii. Ses travaux ultérieurs sont malheureusement restés épars dans divers recueils : La naissance des habitudes, Observations sur le Sommeil, Les principes psychologiques de la certitude scientifique, dans les Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux ; — La physiologie cérébrale et la psychologie, dans la Revue des Deux Mondes ; cet article fut suivi d’une assez longue discussion avec M. Charles Richet dans la Revue philosophique ; — Science ancienne et science moderne, dans la Revue internationale de l’enseignement ; — Intelligence et conscience, dans la Critique philosophique ; — Jugement et ressemblance, Compréhension et contiguïté, Le Moi des mourants, Le souvenir dans les rêves, La durée apparente des rêves, Un document inédit sur les manuscrits de Descartes, dans la Revue philosophique. Mais son œuvre la plus complète est le Cours de philosophie professé à la Sorbonne, et dont quarante leçons ont été publiées par la Revue des cours et conférences sous ce titre : Les lois générales de l’âme. Il constitue l’exposé d’une doctrine de psychologie très cohérente, dont un résumé paraîtra dans la prochaine Année philosophique.

Observateur pénétrant de la vie intérieure, dont il avait appris par une attention constante à saisir et à noter les moindres mouvements, il arrivait souvent à la profondeur par la précision et la finesse de l’analyse. Il se mouvait avec sûreté au milieu des questions les plus abstraites et les plus subtiles, sans jamais pousser cette subtilité jusqu’au point où il eût été obscur pour lui-même. Et il n’était pas rare, surtout dans sa conversation, qu’une pointe d’humour très personnel vint égayer et éclairer les questions les plus abstruses. Il avait à son service, pour exprimer la complexité mobile des faits psychiques, une langue pleine de ressources, parfois hardie, mais toujours d’une propriété et d’une correction scrupuleuse, qu’il maniait en philologue et en écrivain : nombreuses et instructives ont été ses contributions au Vocabulaire de la Société de philosophie. C’est un grand regret pour ceux qui l’ont connu que sa santé, depuis longtemps atteinte, ne lui ait pas permis de laisser un témoignage plus complet de tout ce qu’avaient d’original sa pensée et son enseignement.