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M. Rœhrich a voulu de parti pris écarter toutes les discussions métaphysiques : ce qui l’amène à affirmer dogmatiquement des lois ou des faits prétendument expérimentaux, dont l’exactitude ou au moins l’interprétation est fort contestable et implique toutes sortes de postulats inaperçus. Ainsi il distingue des formes d’attention si nettement tranchées, et admet une attention spontanée si purement réflexe et si soumise aux conditions externes, qu’on ne voit même plus comment elle peut s’appeler du même nom que l’acte, d’origine tout interne, qu’il appelle attention volontaire. Rien de moins satisfaisant encore que la séparation radicale établie entre l’attention et l’attente, les fonctions intellectuelles et les sentiments ou tendances : peut-on concevoir cet état purement spéculatif et étranger au désir que définit M. Rœhrich ? On ne peut nier enfin qu’il se laisse aller à présenter l’attention comme une sorte d’état de conscience sui generis, et qu’il oublie qu’on n’y peut voir qu’une forme, un caractère que peuvent prendre tous les états de conscience, qu’elle ne peut être qu’une attitude de l’esprit à leur égard : il est ainsi conduit à considérer ce qu’il appelle l’aperception comme une espèce particulière d’attention, alors qu’elle apparaît, dans son livre même, comme une opération ou fonction mentale plus ou moins complexe, qui suppose sans doute, mais ni plus ni moins que tout autre, une certaine dose d’attention. Livre qui pourra rendre d’ailleurs des services comme instrument de travail et répertoire judicieux et probe.

Le Sous-Moi, par M. le Dr Surbled. 1 vol. in-18 de 153 p., Paris, Maloine, 1908. — Descriptions rapide des faits d’automatisme psychologique. L’auteur discute en quelques pages la théorie de Grasset (théorie des deux psychismes ; centre O et polygone) et lui objecte avec justesse la difficulté de distinguer aussi nettement les actes volontaires et les actes automatiques ; de nombreux degrés relient la pleine conscience à l’inconscience absolue. Il esquisse en quatre pages une théorie personnelle, qui est du reste du même type, et beaucoup moins solide au point de vue psychologique (la rupture d’accord entre le cerveau et le cervelet comme explication de l’automatisme). En somme ce livre n’apprend rien de nouveau sur la question ; et pour la vulgarisation de cette question, il en existe de beaucoup mieux faits. C’est de la vulgarisation tout à fait élémentaire.

L’Art et l’hypnose, par Émile Magnin. 1 vol. illustré de 403 p., Paris, Alcan, 1907. — Étude, à l’occasion de Mme Madeleine G…, « de la manifestation expressive, sous l’influence d’un certain degré d’hypnose, de toutes les émotions que le sens de l’ouïe peut suggérer à l’âme ». On connaît la tendance de beaucoup de sujets hypnotisés à traduire automatiquement par leur attitude et leurs mouvements, les impressions musicales qu’on leur procure. Le cas étudié ici est particulièrement beau et minutieusement étudié ; il est illustré de nombreuses images. Le livre est suivi de nombreuses « opinions », de psychologues et d’actrices ; certaines sont fort intéressantes, par exemple, celles de Lipps, de Lœwenfeld, de Flournoy. À signaler aussi la préface de Flournoy.

La Fontaine (Ses facultés, sa philosophie, sa psychologie, sa mentalité, son caractère), par Jean-Paul Nayrac. 1 vol. in-8 de 250 p. ; Paris, Henry Paulin, 1908. — M. Nayrac s’est proposé d’appliquer à l’étude de La Fontaine les procédés de la « psychologie moderne », par exemple ceux dont le Dr Toulouse s’est servi dans son travail bien connu sur Zola. La chose était-elle désirable ? Était-elle possible ? On pourrait en douter. Ce qui semble certain, c’est que M. Nayrac n’a guère réussi dans son entreprise, faute peut-être d’avoir suffisamment médité sur les méthodes qu’emploient nos voisins, les « littéraires », qui, sans s’en vanter, font souvent de la très bonne, très sérieuse, et, je crois, très utile psychologie. Le moindre défaut de la méthode peu avertie de M. Jean-Paul Nayrac est de présenter comme caractéristiques de son auteur des idées ou des sentiments dont la banalité est extrême. Le fabuliste se vante-t-il que ses ouvrages sont d’airain, M. Nayrac en conclut qu’il a des associations en rapport avec le sens du toucher ! Lisez Horace, monsieur Nayrac, et apprenez la critique des sources. Que dire de cette audacieuse hypothèse qui prétend retrouver dans la fable « Un animal dans la lune » l’origine de la théorie de l’ « hallucination vraie » de Taine ? Il ne faudrait pourtant pas croire que pratiquer les méthodes de la psychologie moderne consiste seulement à parler un jargon et à appliquer de force à une individualité très complexe les cadres tout faits et les classifications très imparfaites d’un manuel. M. Nayrac, qui a déjà publié des travaux intéressants, ne l’ignore pas. Il nous semble qu’il l’a un peu trop oublié ici.

La théorie des incorporels dans l’ancien Stoïcisme, par Émile Bréhier. Une brochure in-8 de 63 p., Paris, Alphonse Picard et fils, 1908. — M. Bréhier