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homme se croyait un Dieu, et il empruntait à l’Australie une doctrine de la réincarnation des âmes ! Les idées de Monod me paraissent très pauvres. Monod a fait une religion pour prouver qu’il était Dieu. La seule idée ayant quelque intérêt, c’est l’idée du salut. Qu’est-ce qui pouvait bien persuader les monodistes et provoquer la conversion ?

M. d’Allonnes. Il y a eu plusieurs monodistes persuadés par la doctrine de Monod.

M. Durkheim. Qu’est-ce qui justifie les épithètes de « beauté » et de « nouveauté » que vous appliquez à cette doctrine ?

M. d’Allonnes. Elle est belle, elle a un certain port élégant, elle participe du rayonnement de Monod, beau personnellement, beau par son énergie.

M. Durkheim. Je vous demande en quoi cette doctrine, prise en elle-même, est belle et nouvelle ?

M. d’Allonnes. Elle peut paraître belle à des esprits religieux.

M. Durkheim. Au point de vue général des croyants ?

M. D’Allonnes. On rencontre dans le monodisme la doctrine de la rédemption, les grandes idées chrétiennes, l’idée de messianité personnelle.

M. Durkheim. Mais alors, il n’avait qu’à rester dans le temple ! J’aurais aimé à savoir combien il y avait eu d’églises monodistes, quelle était leur répartition géographique ? Ceci aurait éclairé toute cette étude. Les deux cents personnes ont-elles été agglomérées ? ou séparées ?

M. d’Allonnes. Il y a eu surtout des phénomènes de contagion individuelle.

M. Durkheim. On pourrait alors à peine parler de religion.

M. d’Allones. Le protestantisme est une religion individualiste.

M. Durkheim. Ne confondons pas le contenu d’une croyance et le caractère collectif de cette croyance. C’est bien différent. – Votre argumentation théologique consiste à montrer que Monod raisonnait comme un bon théologien, pour prouver qu’il est Christ. Son exogénèse est correcte. Voilà la question qui vous préoccupe sans cesse, revient sans cesse et vous lasse. Elle tient presque le tiers du livre. À supposer que tous les arguments soient théologiquement corrects, qu’est-ce qui en résulte pour la psychologie religieuse ?

M. D’Allonnes. La question est de savoir si j’ai affaire à du normal ou à du pathologique : ai-je à faire à un normal, dans la mesure où un messie est normal ?

M. Durkheim. Je ne vois pas en quoi cette étude théologique vous était nécessaire. Les prophètes bibliques ne faisaient pas d’exégèse. Le mécanisme mental de Monod est différent de cette argumentation théologique. La question est de savoir si un prophète ressemble à un prophète.








M. d’Allonnes. II y a deux groupes de prophètes tes prophètes artificiels et les prophètes naturels. Monod n’est pas un grand inspire. C’est un prophète artificiel. ̃̃ M. Durkheim. J’en’viens à la grosse question. Il y aurait un génie prophétique et une folie prophétique. Vous les distingues d’après les effets de la prédication. Vous répondez à.M. Dumas Nous ne ̃, nous plaçons pas sur le même terrain, pour juger du normal et de l’anormal. Mais il faut se placer tour â tour sur chacun des terrains et ne pas les confondre. Vous constatez’qu’il y a des fous qui ont rendu des services sociaux. Mais, pour • avoir rendu des services sociaux, ce n’en : sont pas moins des fous. Vous revenez en somme à dire que, parmi les anormaux, les uns sont stériles socialement, et les autres utiles socialement, il aurait donc lieu de distinguer entre un anormal individuel et un anormal social et la question se posant de savoir si ce qui est anormal individuellement peut être normal socialement, vous répondez affirmativemeot. t. M. dCAllonnes. Je crois apporter une : solution sur les rapports du normal et de l’anormal. En ce qui concerne la distinction du normal et de l’anormal, deux conceptions sont en présence. La distinclion opérée peut être d’ordre médical s les aliénistes procèdent en cliniciens par .des définitions trop larges ; le médecin procède toujours en gros. Ou bien la distinction peut être de nature psychologique le psycholoq’ue cherche à déceer le phénomène directement anormal, sans englober dans cet anormal des phénomènes voisins qui ne le sont pas. Au contraire, il cherche aussi bien à dépister le normal dans le noyau de phénomènes considérés en gros par le métier. C’est ce que j’ai fait. v M. Durkheim. Malheureusement, si le socialement normal est ce qui rencontre une adhésion sociale, votre cas est peu normal vous avez pris un prophète qui n’a pas réussi. M. Guigneèeri. Je pense que le titre de votre thèse est plus gros que le résultat obtenu. Un homme a subi une crise de démence ; à peu près guéri, il a organisé M dem.Mce et trouve quelques esprits crédules pour le croire. Votre documen-