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de Janet par exemple. Me fondant sur l’observation d’une malade, je dissocie d’une part, la vie active et la mimique, la vie musculaire, et d’autre part l’émotivité. J’arrive ainsi à une théorie de la dépersonnalisation. Je propose une théorie personnelle : le moi intellectuel et volontaire peuvent subsister, mais la tonalité émotionnelle chez les malades est affaiblie ou abolie.

D’où ma conclusion : les émotions ne sont pas tout ; en dehors du plaisir et de la douleur, il y a les sentiments forcés, les inclinations.

M. Rauh. Vous avez bien montré l’intérêt et la nouveauté de votre travail : mettre en lumière l’existence d’inclinations inémotives et montrer le caractère superficiel du plaisir et de la peine. Vous avez deux méthodes : l’une descriptive, l’autre, physiologique et pathologique. Dans la partie d’analyse, vous apportez une contribution heureuse à la classification des sentiments. Je vous loue d’avoir admis comme idée essentielle, l’idée de force psychique. Cependant vos définitions appellent une réserve. Sans doute il faut mettre en lumière l’idée de force psychologique. Seulement, il faut la préciser : comment se distinguent-elles des forces naturelles ? et aussi des faits intellectuels ? Il faut selon moi compléter ainsi votre définition. Les sentiments sont des faits de conscience considérés comme des forces psychologiques, lorsqu’on les considère comme faisant partie d’un système clos.

M. d’Allonnes. Pour ce qui est de préciser ma définition, en disant que ces forces jouent dans un organisme déterminé, je suis prêt à l’admettre. Mais je considère les forces psychologiques comme de même nature que les autres.

M. Rauh. Vous distinguez entre la force et la vie des sentiments (p. 222), et vous faites reposer la distinction sur l’idée de complication. Les forces psychologiques, ce sont des sentiments élémentaires. Les vies psychologiques, ce sont des systèmes de sentiments organisés. Mais très souvent, vous laissez entendre que les sentiments se comportent comme des êtres intelligents, qui jugent et raisonnent inconsciemment sur leurs intérêts. C’est ce que j’appelle, moi, la conception des sentiments comme vie. Lorsque vous considérez ces sentiments simplement comme des directions, alors je les appelle forces. Il faut peut-être bien distinguer ces deux points de vue, tous deux, je crois, utilisables.









M. d’Allonnes. C’est une question extérieure à mon sujet, une question de métaphysique. M. Rauh. Métaphysique, non : les notions sont métaphysiques ou scientifiques, selon l’usage que l’on en fait. M. d’Allonnes. Il est bien difficile d’établir une distinction nette entre les forces organisées et vivantes et les forces inorganisées, sinon par la complication. Les biologistes définissent la vie par la morphologie. La matière non vivante a des forces qui résistent aux déformations, se défendent, semblent raisonner selon leur intérêt. Ce qui définit le vivant, c’est la présence de l’albumine (Pflüger), instable à cause de la grande quantité d’oxygène que renferme la molécule albumine. Les corps vivants, et non vivants sont faits des mêmes forces la différence ne réside que dans les degrés de complication. M. Rauh. Il faudrait donc étendre la notion d’intelligence confuse à la biologie ; mais ça n’empêche pas qu’il y ait lieu de faire la distinction que j’indiquais tout à l’heure. Maintenant, j’en viens à une distinction de votre livre : l’émotif et l’inémotif. Vous donnez de l’émotif une définition trop particulière : émotion, choc. Les désirs sont un continuum d’émotions, qui ne rentrent pas sous cette définition. Vous admettez des inclinations émotionnelles, donc des émotions continues qui ne se présentent pas sous la forme ramassée du choc. L’essentiel, c’est la différence de l’actuel et du potentiel, qui convient ici. La notion du choc ne cadre pas avec vos propres analyses. Vous parlez d’inémotivité. Il semble qu’il n’y ait pas d’états indifférents à vous lire. M. d’Allonnes. Parmi les émotions, il y a des émotions qui durent inclinations émotionnelles. Mais où trouver le caractère le plus saillant de I’émotivité ? Certainement, dans l’émotion choc.. M. Rauh. Ceci peut se défendre. Cependant il y des émotions qui durent, bien que vives. ̃ M. d’Allonnes. Pour les émotions neutres, j’en parie’pages 80-51. Il n’y a pas plus —de raison d’admettre que l’inémotivîté est caractéristique des inclinations que de dire que l’émotivité est caractéristique des émotions chocs. M. Rauh. Pour la seconde partie de votre thèse, à propos de la théorie périphérique, ce que vous dites1 est exact pour Lange. Mais ceci %’applique peut être moins’à James qui admet un nisus caractéTistique de tous les états de conscience et qui est peut-être voisin de votre thèse. M. d’Allonnes. Je reproche à James d’avoir toujours confonda émotion et inclination, quoique il y ait déjà chez lui un commencement de distinction. Le prin-