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l’idée moderne de l’âme qui dépasse l’intelligible, et son Dieu pourrait bien être un Jéhovah. – Et la théorie des intermédiaires ne vient-elle pas de ce que Dieu ne peut être touché ? – Par ce rattachement à la tradition biblique, je m’explique que Philon ait pu être le précurseur de la métaphysique chrétienne et du quatrième évangile. Pour la partie mythologique de la métaphysique chrétienne, il faut recourir aux croyances grecques et alexandrines ; pour la partie morale, cette métaphysique se rattache pour une bonne part à la tradition juive.

M. Picavet. Je vous remercie, en raison des services que vous rendrez à ceux qui étudient la philosophie d’Alexandrie chez les chrétiens et les plotiniens. J’aurais voulu un chapitre sur Philon, sa vie et son éducation. Il nous donne lui-même des indications sur ce sujet.

M. Bréhier. Je ne l’ai pas fait ici, parce que je l’avais déjà fait dans un article de la Revue d’Histoire des Religions.

M. Picavet. Votre premier livre traite du judaïsme ; j’attendais, comme pendant, un livre sur l’hellénisme. Enfin je regrette que vous n’ayez pas utilisé les fines remarques de Renan, et aussi de Tarde, sur la psychologie du sémite : le sémite raisonne par lointaines analogies, alors que l’aryen se fonde sur les principes de causalité et de contradiction. Vous auriez pu justifier plus que vous ne l’avez fait l’interprétation allégorique. Sur la doctrine du Αόγος, je crois que Philon a transformé la doctrine d’une façon telle qu’on en peut retrouver les éléments dans la pensée grecque, mais que la façon est originale. Vous auriez dû insister sur Philon inspirateur du quatrième évangile et de Plotin.

M. Bréhier est déclaré digne du grade de docteur, avec la mention très honorable ».



Thèses de M. Revault d’Allonnes. — 7 février 1908.

1. Des inclinations. Leur rôle dans la psychologie des sentiments.

Exposé de la thèse. — L’idée de ce travail date de 1900, sa réalisation de 1903. Il porte sur les inclinations, sujet peu étudié par les psychologues purs. Sans doute, il existe des études morales, écrites par des philosophes, sur les inclinations, et aussi des monographies de médecins et de biologistes : par exemple, sur les appétits, la perversion des inclinations sexuelles, etc. Mais sur le mécanisme général des inclinations, il existe peu de chose. Je me trouvais en présence de la théorie de James, adoptée en partie par Ribot, un peu ébranlée déjà. On confond aujourd’hui deux phénomènes : les émotions ou tonalité des sentiments et l’inclination ou activité de sentiments. Ma méthode consiste à analyser le rôle des inclinations de trois manières : 1e par la psychologie analytique ; 2e par la psychologie physiologique ; 3e par la psychologie pathologique. L’introspection reste l’âme de la méthode psychologique ; mais elle est insuffisante. D’où la nécessité de recourir à la biographie, à la physiologie, à l’histoire. J’arrive à cette définition de l’inclination : c’est une systématisation de données psychologiques de toute sorte. Elle présente deux caractères : a) la composition et parfois l’organisation ; b) la persistance, la résistance aux causes de dissociation.

Dans la première partie de mon travail, j’étudie les inclinations du point de vue de la psychologie analytique. J’essaie de clarifier les notions énergétiques employées par les psychologues, de montrer que tout phénomène psychologique est une force. Pour la classification, trois classes : intellectuelles, actives et émotionnelles. Je m’élève contre la théorie courante qui rattache étroitement les inclinations










à l’émotion. Je’reprends donc la thèse d’inclinations inémotives, qui se trouve déjà indiquée chez des philosophes comme Malebranche, Bain, etc. Le plaisir et la douleur peuvent manquer ou n’être que des accidents dans l’évolution d’une inclination. Et ceci se confirme pour moi par l’étude de passions (passion de paix et passion d’action), indépendantes de bouffées d’émotion. Les. idées et les actes, sans émotion, peuvent s’organiser en inclinations et passions. Dans la seconde partie psychologie physiologique, je discute les théories motrice de James et Ribot, et cérébrale de Solfier. Ces théories se contentent d’établir le lien au corps d’une façon gênérale. La relation entre la tonalité effective et la puissance active n’est pas précisée.’ J’oppose à la thèse musculaire, et aussi à la.thèse cérébrale, une objection nouvelle les mouvements musculaires sont dépourvus en eux-mêmes de tonalité émotionnelle. D’où vient donc l’émotion ? Les qualités affectives ou émotions sont de véritables sensations. 11 y a un sens de l’angoisse, du plaisir. Ce sens comprend un clavier périphérique, diffus dans les profondeurs de l’organisme, un appareil central de résonance.. Dans la pathologie des sentiments, on rencontre des théories ingénieuses, celle