rattache par des liens subtils, mais, puissants, au mouvement des idées philosophiques, et à tout l’ensemble de la vie sociale du pays ; pas plus qu’en France, aujourd’hui, il ne se sépare en Angleterre du gros problème de l’Église, des rapports de l’autorité traditionnelle avec la libre recherche, historique et scientifique, de l’individu : il est curieux de voir comment, de plus en plus, en ce pays protestant, dans cette revue de tendances « libérales » extrêmes, et aussi peu ecclésiastique que possible, c’est en fonction du catholicisme et de l’Église romaine que les problèmes se posent. L’issue est incertaine : mais la tendance est très forte.
Nous avons cherché à caractériser, ici même (mars 1907), l’esprit qui anime ce périodique ; nous n’y reviendrons pas. – La controverse soulevée par les idées de M. Campbell n’est pas close. Dans le numéro d’avril, le Rev. R. J. Campbell lui-même dégage le but du mouvement de la Théologie nouvelle : c’est là, dit-il, un mouvement très général, qui n’est pas restreint à nous autres congrégationalistes, qui n’est pas le fait d’une personne ou d’une Église, mais qui se retrouve ailleurs, même — et surtout – « dans la vénérable Église de Rome, l’Église-mère de la Chrétienté occidentale » : M. Campbell cite, à ce sujet, le Rinnovamento, dont on connait les attaches avec le catholicisme libéral d’Angleterre. Il regrette cette appellation de « Théologie nouvelle », qui paraît impliquer une rupture avec le christianisme historique : « la théologie nouvelle, comme l’humanisme du Dr F. C. S. Schiller, représente une méthode plutôt qu’un système ; tous ceux qui maintiennent que la religion chrétienne doit être interprétée en termes d’immanence divine, usent de cette méthode. Elle n’entre en conflit qu’avec la théologie populaire des Églises… Comme l’humanisme, la théologie nouvelle repousse tout theologoumenon dénué de valeur morale pratique. » « Ce dont nous avons besoin, plus que de toute autre chose, c’est de rapprocher, sur un même programme et dans une même organisation, tous les hommes d’esprit libéral, Catholiques, Anglicans, Free-Churchmen évangéliques, unitariens, hommes de science comme sir Oliver Lodge, prédicateurs moraux comme le Dr Stanton Coit, réformateurs sociaux comme le prof. Henry Joncs et M. Keir Hardie », afin de donner une expression collective à l’unité chrétienne fondamentale : « Le mot d’ordre de la théologie nouvelle, c’est l’unité, unité de l’individu avec la race, et de la race avec Dieu. » « La mission de l’Église n’est point de mener les hommes au ciel, mais de mettre le ciel dans ce monde » ; il faut que le grand mouvement international pour l’émancipation sociale soit guidé par l’esprit du Christ. Le résultat final sera « de faire de la civilisation moderne une vraie Église catholique, une Cité de Dieu ».
Cet exposé a provoqué bien des critiques. Le Rev. J. M. Lloyd Thomas (L’Idéal catholique libre, juillet) signale, à ce propos, les dangers qui menacent à la fois le Protestantisme et l’Église romaine, en un mot toutes les religions dogmatiques. « Le Protestantisme est atteint à mort : nul pouvoir sur terre ne peut à présent le sauver de la ruine finale. » Le « Romanisme » a sur lui l’avantage d’une vie ecclésiastique puissante : en sorte que « la désagrégation du dogme, qui signifie la mort du vieux protestantisme, peut signifier vie et liberté pour le nouveau catholicisme : l’autorité théologique de la Bible et du dogme une fois ruinées, le catholicisme retiendra encore ce que le protestantisme n’a pas su développer — la conscience profonde de la continuité et de la solidarité de la communion chrétienne, et de l’autorité vivante d’une collectivité, l’Église. »
Dans ce même numéro (juillet p. 917-921), le P. Tyrrell consacre quelques pages à l’exposé critique du livre de M. Campbell sur la Théologie nouvelle. Ces pages méritent d’être retenues, parce qu’elles précisent l’attitude du plus éminent représentant de la pensée catholique libérale en Angleterre, et aussi pour les profondes intuitions religieuses qui s’y font jour. L’œuvre de M. Campbell, dit le P. Tyrrell, est une théologie de prédicateur, qui s’adresse à la foule, et elle doit être prise comme telle. Le problème y est mal posé : ce qu’il nous faut, ce n’est pas une théologie nouvelle en place de l’ancienne, la substitution de Kant et de Hegel à Philon et à Aristote. Les hommes peuvent bien prier sans théologie, et bien vivre sans physiologie. Ce qu’il faut, c’est critiquer les notions de révélation et de théologie, reconnaître ce qui les sépare, fixer leurs rapports, afin de libérer la révélation des fluctuations et des incertitudes d’une science perpétuellement changeante. « La révélation chrétienne est la matière de la théologie chrétienne, l’expérience soumise à l’intelligence du théologien. Cette révélation, c’est le Christ, ce sont ses paroles, ses actes, sa personnalité ; et, comme le Christ, elle est la même hier, aujourd’hui et pour toujours, par-dessous tous les développements de