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toute la durée du raisonnement, strictement définis : aussi peut-il procéder par substitution de termes identiques. Il admet encore que tout ce qui ne satisfait pas aux prétendues « lois de la pensée », par exemple au principe de raison suffisante, est absurde et inintelligible (p. 4 et 5). Immédiatement on peut conclure que tout ce qui est processus mental, ou expérience au sens le plus général, est exclu du domaine de cette logique. Car point d’expérience où les termes se maintiennent identiques à eux-mêmes et qui soit conforme de tout point aux « lois de la pensée ».

D’autre part, entendue au sens de dialectique par certains métaphysiciens tels que Hegel, la logique devient une tentative pour déduire des facultés mêmes de la connaissance des affirmations relatives soit au sujet, soit à l’objet, un effort pour passer de la pensée à la réalité. Rien de plus opposé aux tendances d’un psychologue biologiste qui voit dans la pensée le produit d’une évolution dirigée partiellement au moins par des facteurs externes, physiques et sociaux (p. 6-9). Le psychologue réclame donc une méthode qui décrive la pensée avant de l’interpréter, détermine son rôle dans la constitution de la connaissance, au lieu de permettre que cette pensée détermine la place de tout le reste. Il réclame une logique qui se constitue en respectant dans l’observation et l’hypothèse les mêmes règles qu’on applique dans les autres sciences empiriques, surtout dans les branches connexes de la psychologie génétique (p. 9). Cette logique génétique sera une théorie de la connaissance étudiée dans son développement continu, en tenant compte : 1o des facteurs actifs de développement (intérêt, dispositions, tendances) ; 2o des facteurs ou coefficients de contrôle qui dirigent ce développement et le maintiennent dans de certaines limites ; 3o de la validité de la connaissance à chaque stade de son développement (présentation pure, mémoire, imagination, simulation dans le jeu, etc.). La notion de contrôle est définie p. 31 et 57 : « Par contrôle on entend les corrections, les limitations, la réglementation imposées aux démarches constructives de l’esprit. »

Trois grandes questions feront l’objet des trois volumes que comprendra l’ouvrage complet :

1o D’abord la fonction de la connaissance doit être étudiée en elle-même, comme une autre fonction ; il faut décrire les diverses démarches qui la constituent. Cette étude purement psychologique répond à la question : De quelle manière pensons-nous, de quelle manière la connaissance est-elle formée ?

2o Ensuite se pose une question plus générale, qui nous oblige à sortir de la psychologie proprement dite pour puiser des renseignements dans la biologie et dans la sociologie ; quels facteurs ont contribué à cette formation ?

3o Enfin quel est le résultat de ce progrès, de cette évolution de la connaissance ? À quels objets divers la pensée s’applique-t-elle, quelle valeur doit être attribuée à ces objets, soit au point de vue de la conduite et de l’action, soit au point de vue spéculatif ? L’effort pour répondre à cette question peut aboutir à nous faire reconnaître que le sens dernier de l’expérience, celui qui inclut tout le reste, se trouve, non pas dans les modes logiques de la pensée, mais dans un mode supra-logique, esthétique ou même mystique. Ce qui justifie l’épigraphe « τὸ καλὸv πᾶv ».

Sans suivre dans le détail les analyses subtiles de notre auteur, essayons de dégager sa méthode. La science génétique postule la continuité, et ce respect de la continuité l’oblige à multiplier les intermédiaires pour suivre pas à pas le développement d’une fonction. De là une apparente contradiction entre l’intention de l’auteur et le résultat : le partisan de la continuité semble se complaire dans les divisions et les subdivisions ; il distingue de très nombreux modes de la pensée et on pourrait croire qu’il morcelle l’esprit humain en facultés si on perdait de vue sa conception du mode. « Le mode n’est pas un concept, ou plutôt c’est une sorte de concept fluide, élastique qui se prête au développement de la réalité et la suit en quelque manière dans son mouvement ; tout mode enveloppe en outre les facteurs actifs de la progression vers le mode qui lui succède » (ch. II).

Le partisan d’une logique génétique ne perd jamais de vue certains postulats, certains axiomes méconnus par la science atomistique, statique, qui décompose l’être vivant et pendant en éléments inertes et stables. Et très suggestive est la liste des sophismes que dresse Baldwin en regard de la liste de ces postulats et de ces axiomes. Ainsi la science génétique proclame que tout phénomène est une synthèse originale dont les phénomènes antérieurs ne peuvent rendre compte pleinement. Donc les formules d’une science ne doivent pas être transportées à une autre, les classifications sont propres à chacune ; seule l’observation directe